La la land: les joyaux architecturaux de Los Angeles
Les amateurs d’architecture ont un faible pour l’Ouest américain et ses joyaux du milieu du style moderne du milieu du siècle qui redonnent vie à la gloire passée d’Hollywood. Les réalisations contemporaines inspirent également le respect. Veerle Windels a fait le voyage dans l’Ouest pour aller à la rencontre de quelques-unes des constructions emblématiques.
Difficile de repérer les merveilles architecturales en parcourant les autoroutes de Los Angeles. Tout le long, les panneaux publicitaires sont omniprésents, faisant la promotion d’un avocat rusé ou d’une clinique de jour spécialisée dans le botox. Pour découvrir le patrimoine esthétique de Los Angeles, il faut s’écarter des grands boulevards et oser s’aventurer dans les petites rues. Ce qui frappe d’emblée, ce sont les constructions basses de la City of Lights, par rapport à des villes comme New York ou Chicago. Certes, les gratte-ciel ont fait irruption dans le centre-ville ces dernières années, mais ils côtoient d’anciens théâtres qui ont heureusement résisté à l’épreuve du temps et qui abritent aujourd’hui un Apple Store, par exemple. Plus à l’ouest, de nombreuses Case Study Houses ont été construites, souvent en hauteur au-dessus des canyons de la ville. Elles ont été réalisées par des maîtres du style moderne du milieu du siècle tels que Richard Neutra, Rudolph Schindler, Frank Lloyd Wright, John Lautner, Craig Ellwood et Ray et Charles Eames. Ces dernières années, les créateurs contemporains ont également su imposer leur style architectural. Pensez par exemple au musée privé The Broad, réalisé par le studio d’architecture Diller Scofidio + Renfro, au Walt Disney Concert Hall, signé Frank Gehry, et au Getty Museum, une réalisation de Richard Meier. Remarquables parmi tous ces édifices de prestige : les nombreux autres vestiges des années 1950, de Mel’s Drive Inn et Pann’s à Norm’s, des restaurants qui accueillent encore des familles entières et qui affichent leur ambiance du milieu du siècle. L’architecture digne de ce nom est vraiment partout.
The Sunset Tower Hotel
Un joyau Art déco au cœur de West Hollywood ? C’est le moins que l’on puisse dire de cet hôtel unique. Construit entre 1929 et 1931 par l’architecte Leland A.Bryant, c’est le premier bâtiment résistant aux tremblements de terre. Les nombreuses divas et stars qui y ont vécu ou résidé l’ont rendu célèbre. Le gratin d’Hollywood est passé par là, de Jean Harlow et Marilyn Monroe à Clark Gable et Truman Capote. Je peux sentir leur présence lorsque j’emprunte le hall pour me rendre au bar, sur la terrasse et à la piscine. John Wayne a vécu à l’endroit où se trouve aujourd’hui le spa et c’est ici que Frank Sinatra a demandé Ava Gardner en mariage. Oh, et ai-je mentionné que la plus belle fête à l’issue de la cérémonie des Oscars a lieu ici ? Organisée par Vanity Fair ?
The Eames House
Un pique-nique dans le jardin de The Eames House ? Pourquoi pas ? C’est peut-être ce dont Ray et Charles Eames avaient l’habitude, en profitant de la vue sur l’océan Pacifique et les eucalyptus. Ces arbres étaient déjà présents lorsque le couple a eu l’opportunité de construire sur ce terrain. C’est pourquoi ils ont opéré un virage à 180° par rapport à leur projet initial ; histoire de ne pas déranger les arbres. The Eames House est deux mondes en un : la résidence de Charles et Ray à gauche et le studio à droite, où ils ont travaillé sur leurs projets d’architecture et de design. Connue comme le Case Study House #8, cette maison est un croisement entre le principe « less is more » du Bauhaus et la philosophie « more is more » des Eames. Ray aimait peindre, c’est pourquoi la façade présente des surfaces colorées. Les matériaux utilisés étaient novateurs et, dans un contexte d’après-guerre, il a fallu un certain temps pour qu’ils soient disponibles à Santa Monica. La construction en elle-même a été vite. Aujourd’hui, on ne peut visiter la maison que de l’extérieur, mais en m’approchant de la fenêtre, j’aperçois tous les détails. De la célèbre Eames Chair au plateau sur lequel reposent encore les plantes. Détail intéressant : la même rue abrite des Case Study Houses d’Eero Saarinen, Richard Neutra et Rodney Walker, mais elles sont malheureusement bien cachées derrière des murs.
The Santa Monica Proper Hotel
L’arrivée dans le hall d’entrée de The Santa Monica Proper Hotel est délicieuse. Par une lourde porte en bois, je pénètre dans une oasis de calme. C’est en tout cas l’impression que donne l’aménagement de Kelly Wearstler. Des décors en bois et des canapés en laine bouclée, des pièces de collection et des livres de table basse. La sensation ultime d’une salle de séjour, absolument délectable. La plupart des fans viennent pour le rooftop, où le menu de La Cabra est délicieux, mais les résidents de l’hôtel peuvent aussi profiter de la piscine, le réel point fort de cet établissement.
The Los Angeles Theatre (et les nombreux autres théâtres du centre-ville)
Broadway était autrefois le cœur commercial du bas de la ville. On y trouve encore une dizaine de bâtiments des années 1920 et 1930 très évocateurs. Les grands studios d’antan y ont fait construire des palais du cinéma qui ont résisté à l’épreuve du temps et qui sont aujourd’hui en pleine rénovation. La liste est longue : The Arcade, The United Artists Theatre, The Palace, The Los Angeles… Depuis les années 1960, ces palais ont été abandonnés et négligés. Ce sont souvent des entrepreneurs locaux et des bénévoles qui préservent les intérieurs, d’ordinaire magnifiques, qui ressemblent à de véritables salles de bal. L’un de ces généreux bienfaiteurs, Escott Norton, dirige la LA Historical Theatre Foundation. Il peut parler pendant des heures de la première du film de Charlie Chaplin « City Lights » dans ce théâtre, en 1931. Et de la faillite qui s’en est suivie.
gmr.net.com
The Getty Center
Près de The Eames House, The Getty Center abrite la plus grande collection privée du monde. La bienfaisance dans toute sa splendeur, grâce à la fortune pétrolière de J.P. Getty. Le Center lui-même est monumental et moderniste. Il surplombe la ville comme une véritable Acropole. Je m’y rends à bord d’un petit train et me perds dans les différents pavillons et jardins. Je contemple des œuvres de Giacometti et Ensor à l’intérieur, ainsi que des sculptures en plein air disséminées dans le sculpture garden. Le design du Center est l’œuvre de Richard Meier : il a joué avec des cercles et des carrés pour donner une unité aux différents bâtiments. La pierre utilisée est le travertin, provenant de Bagni di Tivoli en Italie. Des fossiles de feuilles, des coquillages et d’autres objets sont déposés ci et là parmi les pierres de travertin pour casser le rythme. Un endroit où je passerais bien tout une après-midi. Remarque : la Villa Getty est également ouverte aux visites. Mais elle est plus loin, à Malibu.
The Broad
De passage à The Broad, on remarque souvent instantanément le bâtiment situé juste à côté : le Walt Disney Concert Hall. Une visibilité qu’il doit principalement à l’impressionnant toit de Gehry, avec des références à ses ouvrages à Bilbao et à Paris. Néanmoins, le bâtiment qui abrite le musée privé de la famille d’Eli Broad vaut le détour. Un design de Diller, Scofidio + Renfro, lieu de résidence de quelque 2 000 œuvres d’art. L’extérieur blanc ressemble à un voile avec une seule fenêtre. Je me dirige immédiatement vers l’escalator qui mène au troisième étage, où sont exposés en permanence les chefs-d’œuvre de cette collection privée (Basquiat ! Warhol !). Également digne d’intérêt : en descendant les escaliers, je découvre la zone d’entreposage des œuvres qui ne sont pas exposées. C’est également mémorable.
par Veerle Windels
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