Paul Vacca

Voyage en hypernostalgie: le Beatleverse, l’univers où les Beatles ne sont pas séparés

Paul Vacca Romancier, essayiste et consultant

Cet été, le magazine Rolling Stone m’a donné l’occasion de mener une expérience à la fois passionnante et un brin vertigineuse : arpenter, pour un article, la présence des Beatles sur internet. Un voyage en hypernostalgie.

J’ai aussitôt été happé dans un espace-temps fabuleux où, par la grâce des nouvelles technologies (les plateformes de streaming, YouTube, TikTok ou l’IA), les quatre garçons de Liverpool sont toujours dans le vent. J’ai ainsi pu cartographier ce que j’ai appelé le Beatleverse, un univers où les Beatles ne se sont finalement pas séparés en 1970, mais semblent encore vivants et en pleine activité.

Car non seulement, les Fab Four ont sorti une “nouvelle” chanson en 2023 (Now and Then, miraculeusement créée grâce à l’IA d’après une bande démo laissée par John Lennon), mais ils ne cessent d’être écoutés et redécouverts partout, et notamment sur Spotify ou en rééditions vinyles, affolant toujours les compteurs des top 100.

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Mais en visionnant le documentaire Get Back de Peter Jackson pour Disney+, j’ai été plongé au sein du groupe comme s’il y avait eu une webcam dans son studio en 1969. Puis, j’ai eu la chance de vivre un tas de “nouvelles premières fois” grâce aux réactions brutes et fraîches de la GenZ et ses “first listens” qui se filme sur YouTube en train d’écouter les albums pour la première fois comme s’ils sortaient. Et enfin, je me suis perdu comme Alice dans son terrier à lapin en découvrant toutes les vidéos d’experts musicologues qui dissèquent les albums et les morceaux, piste par piste, note par note, son par son, effet par effet, dans une quête sans fin des arcanes cachées des titres qui magiquement se récréaient sous mes yeux (et mes oreilles) ébahis.

Une sorte d’envoûtement éveillé

Bref, j’ai vécu une sorte d’envoûtement éveillé à la manière de Un jour sans fin, ce film où Bill Murray revit sempiternellement la même journée. Ce que l’universitaire et essayiste Grafton Tanner a qualifié de “foreverism“, cette expérience que nous vivons en ligne d’un passé non seulement préservé ou revisité, mais réanimé et incarné dans un présent perpétuel.

À mesure que j’avançais, j’ai été happé par une troisième dimension, un fort courant de “new-stalgia”, auquel il est impossible de résister en ligne.

À ne pas confondre avec de la nostalgie, précise-t-il. Pourtant j’ai bien eu le sentiment de pénétrer dans un espace hypernostalgique : une nostalgie hyperbolique poussée à son maximum qu’elle finit, certes, par ne plus lui ressembler. Première dimension, bien sûr, la “nostalgia”, immédiate et élégiaque à la Lamartine (“Ô temps suspends ton vol !”), qui m’a aussitôt renvoyé au vert paradis de mes premières écoutes enfantines. Mais très vite, celle-ci s’est transformée en “now-stalgia“, muée en souvenir créateur et proustien d’un passé si bien réactualisé qu’il en est devenu présent.

La “new-stalgia”

Et enfin, à mesure que j’avançais, j’ai été happé par une troisième dimension, un fort courant de “new-stalgia“, auquel il est impossible de résister en ligne : un courant nostalgique qui n’est plus intime ni immédiat, mais collectif, diffus et médiatisé à la manière du simulacre dont parle Jean Baudrillard. J’étais soudain comme ces nouvelles générations qui vivent à travers Stranger Things, la “new-stalgia” des années 1980 qu’elles n’ont même pas vécues. Ballotté entre ces trois espaces mémoriels, j’ai perdu pied dans la nostalgie 3.0.

Mais, lumière au bout du tunnel, j’ai fini par me rendre compte que cette hypernostalgie était en quelque sorte déjà présente chez les Beatles eux-mêmes, comme inscrite en filigrane dans leurs chansons. Ne retrouve-t-on pas la mélancolie lamartinienne dans Yesterday ou In My Life ; le souvenir réenchanté, libérateur et proustien dans Strawberry Fields Forever ou Penny Lane ; et la nostalgie burlesque et baudrillardesque dans When I’m Sixty Four ou Your Mother Should Know ?

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