Amid Faljaoui
Nos agriculteurs et la peur du retour du « plombier polonais »
Il y a quelques années, l’arrivée du fameux « plombier polonais » – un terme générique pour désigner ces travailleurs détachés venus de l’Europe de l’Est – faisait peur aux salariés européens.
Il y a quelques années, l’arrivée du fameux « plombier polonais » – un terme générique pour désigner ces travailleurs détachés venus de l’Europe de l’Est – faisait peur aux salariés européens.
En principe, leur venue servait à combler nos pénuries d’emplois. Mais, en réalité, comme ces travailleurs ne payaient que la sécurité sociale de leur pays d’origine, ils étaient des concurrents féroces pour les plombiers, les maçons, et autres artisans de l’Europe de l’Ouest. A l’époque, c’était même un drame pour beaucoup d’entreprises belges, françaises et autres, car elles se retrouvaient en compétition avec des entreprises qui n’utilisaient que ces ouvriers détachés. Cela a provoqué des faillites dans le secteur du bâtiment par exemple.
Les agriculteurs qui ont bloqué nos routes, nos autoroutes et autres centres-ville ont compris le danger. Après le « plombier polonais », si rien n’est fait, nos agriculteurs devront se battre avec les agriculteurs ukrainiens. Promettre de faire entrer l’Ukraine en Europe, comme l’ont fait nos gouvernements et la Commission européenne, c’est un bel élan de solidarité envers ce peuple en guerre.
Mais, l’Ukraine, c’est aussi le “grenier de l’Europe”, comme le rappelle Pierre Lellouche, ancien ministre français. Ce sont des exploitations agricoles immenses pouvant parfois atteindre 500.000 hectares. Plus de 15.000 d’entre elles atteignent déjà 10.000 hectares contre une moyenne de 69 hectares à peine pour un pays pourtant très agricole comme la France.
Si l’Ukraine entre dans l’Union européenne, ce pays va donc engloutir une bonne partie des fonds de la politique agricole commune. Nos agriculteurs font déjà face à la concurrence ukrainienne en ce moment, car la Commission européenne a ouvert ce qu’on appelle des « couloirs de solidarité » qui permettent aux paysans ukrainiens d’écouler leurs productions en Pologne ou en Roumanie par exemple.
Là encore, Pierre Lellouche a beau jeu de rappeler que même le président polonais, pourtant très proche des Ukrainiens, n’a pas hésité à dire que l’Ukraine était un peu comme ce noyé qui risque d’entraîner au fond et de noyer avec lui, celui qui vient le sauver. Il a raison, car le salaire moyen en Ukraine est de 200 euros par mois. Comme aucune règle phytosanitaire n’est respectée, les produits écoulés par l’Ukraine risquent de couler nos agriculteurs européens qui eux doivent respecter ces règles phytosanitaires.
La question qui se pose en ce moment à nos chers dirigeants européens est simple : comment aider l’Ukraine, sans mettre à feu et à sang nos campagnes ? Certes, nos eurodéputés sont à l’écoute, plus qu’à l’habitude, car, ce n’est pas un hasard, les élections européennes ont lieu en juin prochain.
Il est loin le temps où le président ukrainien était accueilli au Parlement européen avec une standing ovation. C’était pourtant il y a juste un an à peine. Aujourd’hui, les Européens savent que la guerre en Ukraine est loin d’être gagnée, que la reconstruction de ce pays coûtera au bas mot 750 milliards d’euros aux frais de l’Europe. Car, comme le note avec justesse Pierre Lellouche, « quand le glaive américain sera rentré chez lui, tout retombera sur le tiroir-caisse européen ».
Nous avons promis à l’Ukraine qu’elle entrera dans l’Union européenne. Soit ça se fera, et sur le plan éthique cela se comprend, soit l’économie prendra le dessus sur l’éthique. Les Européens devront alors relire Talleyrand qui dans son style inimitable disait que « nous n’avons qu’une seule parole, c’est pourquoi il faut pouvoir la reprendre si on veut la redonner ».
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