Philippe Ledent
Les mathématiques ont toujours (la) raison
Vu sous l’angle des mathématiques, remettre en cause l’idée d’un assainissement des finances publiques est une ineptie.
Les discussions budgétaires ont rarement été menées dans un climat serein en Belgique. Il faut dire que le poids de la dette publique pose une sérieuse contrainte depuis les années 1980 et certainement depuis l’entrée en vigueur du traité de Maastricht et des règles budgétaires européennes. Faut-il diminuer les dépenses? Augmenter les recettes? Faire un compromis avec un peu de tout? Ce n’est jamais facile, surtout lorsque la majorité gouvernementale est large.
Plus récemment, ces discussions semblent entrées dans une nouvelle dimension: faut-il réellement faire des économies? Ne peut-on pas challenger l’idée-même d’un assainissement des finances publiques?
D’où vient cette idée que le déficit ne doit pas être vu comme un problème? Probablement de la période relativement longue de taux zéro que l’on a connue. Celle-ci donnait effectivement plus de latitude à la politique budgétaire et l’illusion que la dette n’était plus un problème. Mais voilà, on savait que cette situation pouvait changer… et elle a effectivement changé!
Simple comme 1+1=2
Définir la trajectoire budgétaire en fonction des circonstances n’est en fait pas difficile. Cela tient en une équation qui détermine, en fonction de différents paramètres, le solde budgétaire primaire (soit les recettes moins les dépenses de l’Etat, hors charge d’intérêt) que l’on peut se permettre sans augmenter le taux d’endettement, donc sans se retrouver sur une trajectoire explosive de la dette.
Les paramètres en sont le niveau des taux d’intérêt, la croissance économique nominale et le taux d’endettement de départ. Ce n’est donc pas si compliqué. A partir de ces quelques éléments, on peut montrer tout ce qui est de l’ordre du possible et tout ce qui relève de la discussion de comptoir sans intérêt.
Tout d’abord, on peut bien vérifier que le rêve d’un taux d’intérêt perpétuellement bloqué à zéro nous mettrait dans une situation très confortable. En considérant une croissance économique nominale de l’ordre de 3,5% par an (1,5% de croissance réelle et 2,0% d’inflation) et un solde primaire négatif de 3% du produit intérieur brut (PIB) chaque année (donc, à peu de choses près, le niveau attendu dans les prochaines années), le taux d’endettement de la Belgique baisserait pour se stabiliser à 90% environ du PIB. Le rêve de tout gouvernement… De manière générale, plus le taux d’intérêt est bas et la croissance nominale élevée, et plus un pays peut effectivement se permettre un déficit structurel élevé.
Un assainissement inévitable
Mais, arrêtons de rêver. En considérant une croissance nominale de 3,5% et un taux d’intérêt sur la dette qui se stabiliserait à environ 3%, le solde primaire négatif de 3% tel qu’il est aujourd’hui et attendu dans les prochaines années mène la dette sur une trajectoire explosive, imposant un jour ou l’autre d’y mettre de l’ordre.
Vu sous l’angle des mathématiques, remettre en cause l’idée d’un assainissement des finances publiques est une ineptie. Au niveau d’endettement actuel, il faudrait une croissance nominale de plus de 6% pour que le solde primaire actuel soit acceptable. Et ne comptez pas sur une inflation perpétuellement élevée pour assurer une telle croissance puisqu’elle entraînerait une hausse des taux qui nécessiterait quand même de réduire le déficit primaire.
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Bref, on peut tourner en rond comme cela longtemps, à chercher des combinaisons taux-croissance-endettement qui permettraient de continuer à dépenser sans compter. Elles n’existent pas. Regardez les maths!
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