Après que BNP Paribas a racheté Fortis, la plus grande banque belge, en 2009, le groupe français devient maintenant l’actionnaire de référence d’Ageas, la holding qui contrôle le plus grand assureur de notre pays, AG Insurance. Faut-il s’en inquiéter ?
Ageas a conclu une alliance de grande envergure avec le groupe bancaire français BNP Paribas. Un accord qui, on s’en doute, est bien ficelé. Jusqu’à présent, les relations entre Ageas et BNP Paribas étaient assez complexes. La banque belge BNP Paribas Fortis, filiale de BNP Paribas, détenait 25 % plus une action d’AG Insurance ; le reste était entre les mains d’Ageas. De cette façon, l’alliance bancassurance entre les deux parties était garantie. Lors du rachat de la participation du groupe chinois Fosun dans Ageas en 2024, BNP Paribas est également devenu actionnaire au niveau du groupe. Les Français ont ensuite élargi cette participation à 15 %.
Cette structure actionnariale est maintenant simplifiée. Ageas devient le seul actionnaire d’AG Insurance, et BNP Paribas augmente sa participation dans Ageas à 24 %. Parallèlement, la coopération entre AG et BNP Paribas Fortis est structurellement ancrée pour une période de quinze ans. À première vue, c’est une situation gagnant-gagnant. Ageas peut s’attendre à des flux de trésorerie plus élevés en provenance d’AG, BNP Paribas de son côté sauvegarde son modèle bancassurance belge et devient l’actionnaire de référence d’une compagnie d’assurance européenne de taille moyenne.
Fin de l’ancrage belge
Selon le CEO d’Ageas, Hans De Cuyper, il y a un autre « gain » pour son entreprise : il considère BNP Paribas comme un ancrage, qui peut protéger Ageas contre des tentatives de rachat non souhaitées. C’est vrai, mais la question de savoir si BNP Paribas garantit également l’ancrage belge d’Ageas est une autre affaire. Ce rôle semblait initialement réservé à la holding publique FPIM, qui a acquis une participation de 6,3 % dans Ageas en 2022. Mais FPIM n’a pas les moyens de réaliser un ancrage plus fort. Avec l’émission de nouvelles actions Ageas, la holding publique voit même sa participation diminuer à 6 %.
Ageas, et notamment sa filiale belge AG Insurance, sont très importants pour l’économie belge. Un tiers des pensions complémentaires des travailleurs belges passent par l’assureur. AG a 22 milliards d’euros d’investissements en cours dans des projets économiques belges. Selon les critiques, ceux-ci passent maintenant sous tutelle française. En pratique, il n’y a pour l’instant aucun signal que ce soit réellement le cas. De Cuyper affirme que l’accord conclu offre des garanties pour l’autonomie et l’indépendance d’Ageas.
En tant que Belges, nous devrons observer très attentivement comment cela évolue. Notre pays a eu trop de mauvaises expériences par le passé avec des repreneurs français. Des entreprises belges ont été vidées de leur substance ou ont vu leur centre de décision déménager à Paris. Même pour la banque belge BNP Paribas Fortis, il est clair que certaines choses ne sont plus traitées localement. De plus, les Français ont avec BNP Paribas Cardif leur propre branche assurance. Cela peut entraîner des conflits d’intérêts, par exemple lorsqu’il faut choisir quelle stratégie de croissance soutenir.
Belfius aussi lorgne plutôt vers la France
La Belgique perd-elle non seulement la plus grande banque du pays, mais aussi le contrôle de son plus grand assureur ? Le fait que nous devions nous poser cette question n’est pas bon signe. Les Français ont été particulièrement actifs ces dernières années dans la consolidation du secteur financier belge. Des banques et gestionnaires de patrimoine comme Degroof Petercam et Nagelmackers ont été absorbés par de grandes maisons françaises, respectivement Indosuez et BPCE. Beobank et Keytrade sont depuis longtemps entre des mains françaises. Crelan a levé des capitaux l’année dernière auprès de Crédit Agricole et a conclu un partenariat stratégique avec le groupe français.
Et bientôt, l’État belge veut introduire en bourse 20 % de Belfius. Ce paquet devrait rapidement coûter 2 milliards et plus. De tels montants sont hors de portée de nombreuses sociétés d’investissement belges. Qui regarde les partenariats que Belfius a conclus ces dernières années voit déjà venir l’orage. Les accords de coopération les plus importants ont été conclus avec des acteurs français, comme Mistral (intelligence artificielle), Alan (assurances santé digitales) et Kepler Chevreux (marchés de capitaux). La probabilité que Belfius se retrouve également en partie entre des mains françaises est, en d’autres termes, réelle. Et avec cela, la question de savoir si nous devons nous inquiéter semble avoir trouvé sa réponse.