Amid Faljaoui

Le cinéma, l’IA et la corde pour pendre les capitalistes 

« L’éternité, c’est long, surtout vers la fin ». Nous connaissons tous cette citation du réalisateur Woody Allen, fidèle à son humour typiquement new-yorkais. Mais aujourd’hui, ce cinéaste est bien placé pour savoir que grâce à l’intelligence artificielle, sa boutade va devenir la réalité pour les stars d’Hollywood.

Si vous aimez le cinéma, allez voir le dernier film de Tom Hanks et de Robin Wright, trente ans après le mythique Forrest Gump, ce duo se retrouve sur nos écrans ces jours-ci dans le film « Here – les plus belles années de notre vie ». Vous verrez que durant tout le film, les acteurs Tom Hanks et Robin Wright rajeunissent ou vieillissent à souhait selon l’intrigue du film. Vous me direz que je redécouvre l’eau chaude, et que Hollywood a déjà fait ce genre de chose par le passé.

Et vous aurez raison, sauf qu’ici ce passage du temps est omniprésent grâce à l’IA. Ici, le réalisateur du film a fait appel aux services d’une start-up américaine Metaphysic, qui avait réussi l’exploit de ressusciter Elvis Presley pour le programme télévisé américain America’s Got Talent. C’est avec la même technologie qu’on a pu rajeunir Harrison Ford, qui comme vous le savez a plus de 80 ans au compteur… et tout cela, pour qu’Harrison Ford puisse tourner le dernier Indiana Jones sorti en salle l’an dernier.

Et comme le font remarquer mes confrères du quotidien économique Les Echos, c’est à la fois fascinant et effrayant. C’est fascinant, car les amoureux du 7ème art pourront sans doute voir des films avec des stars mortes depuis longtemps mais qui auront une deuxième, troisième, quatrième vie grâce à l’IA – c’est une forme d’immortalité en quelque sorte. Mais c’est aussi angoissant, d’abord, parce que si ça devait être le cas, c’est-à-dire qu’on recycle à l’infini les films de demain avec les stars d’hier, cela signifierait qu’il y aurait une sorte de barrière à l’entrée pour de nouveaux talents, ce qui serait injuste.

Et c’est aussi angoissant, car des tas de métiers liés au 7ème art risquent de disparaître. Les premiers métiers à agoniser sont celui du doublage mais aussi les métiers liés à la post-production ou au métier de scénariste, car avec un bon prompt aujourd’hui, il est possible d’imaginer des histoires à l’infini. Bien sûr, des pétitions rendues publiques ont été signées par des milliers d’écrivains, de chanteurs ou d’acteurs mais voilà, signer une pétition n’empêchera pas l’éclosion de l’IA. Pour l’heure, Hollywood a gagné un peu de répit : en effet, souvenez-vous des grèves de l’an dernier qui ont paralysé la Mecque du cinéma pendant plusieurs mois. La grève s’est terminée par des engagements envers les comédiens pour que l’IA ne pille pas leur talent, mais combien de temps durera cette protection juridique ?

Vous vous souvenez de la phrase de Lénine  contre les capitalistes ? Il disait que « les capitalistes nous vendrons la corde avec laquelle nous les pendrons ». Elle devrait nous faire réfléchir… regardons nos médias, en Europe, on a l’impression à les lire ou à les regarder que l’ennemi, c’est la Chine ou la Russie. Mais avec un regard un peu en biais, comme le fait l’historien israélien Yuval Noah Harari, on constate quoi ? Que les réseaux sociaux ont été créés par l’Occident. Que la bataille des algorithmes a aussi été gagnée par l’Occident. Facebook, YouTube et Twitter sont nés aux États-Unis et c’est ce qui a détruit les démocraties nous dit Yuval Noah Harari. Ce ne sont pas les Chinois ou les Russes qui l’ont fait : ce sont des entreprises américaines qui ont diffusé la haine à travers le monde parce que leurs algorithmes ne sont pas réglementés.

J’ai une amie chère qui me dit souvent : Amid, la trahison, c’est toujours le premier cercle, le reste, c’est de l’adversité. Et vous, vous pensez qu’elle a raison ?  

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