La probabilité que l’Ukraine riposte s’amenuise alors qu’un second souffle russe est réel
Nous devons parler de l’Ukraine. L’hiver est à nos portes. La grande contre-offensive ukrainienne a donné peu de résultats. C’est beaucoup moins que ce qui était espéré en Ukraine et que ce qui était attendu en Occident. Cette faible percée pose un gros problème : il sape le moral du peuple ukrainien et, dans la foulée, la confiance des alliés occidentaux qui soutiennent l’Ukraine avec de l’argent et du matériel.
Le patriotisme et l’héroïsme du peuple et des combattants ukrainiens sont usés par la guerre. Il y a des désertions et des conscriptions. Le commandant en chef ukrainien parle publiquement d’une impasse. Du même genre que la guerre des tranchées durant la Première Guerre mondiale. Sauf qu’une impasse signifie que deux camps égaux se maintiennent dans un équilibre tendu. Or l’Ukraine est le petit frère qui ne peut se maintenir à flot face à la Russie que grâce au soutien de son grand frère l’Occident.
Et la Russie surprend en se révélant plus forte et plus stratège que ce que l’échec catastrophique de l’invasion de 2022 aurait pu laisser croire. L’économie russe ne succombe pas aux sanctions économiques occidentales. La Russie trouve de nouveaux marchés pour le pétrole et le gaz, ainsi que de nouveaux partenaires pour la technologie militaire, notamment l’Iran et la Corée du Nord. Les observateurs considèrent que l’économie de guerre russe est en mesure de soutenir la machine de guerre pour les années à venir. Le régime de Poutine et capable de mobiliser, mais aussi de tuer des dizaines de milliers de nouvelles recrues sans révolution. En gros, la Russie est prête pour une longue guerre.
L’Ukraine ne l’est pas. L’armée ukrainienne a triplé de taille depuis la guerre pour atteindre quelque 800 000 soldats. Avec une telle improvisation en termes d’effectifs et d’équipements, une guerre prolongée à grande échelle est extrêmement difficile, selon les analystes militaires. L’Ukraine, par exemple, ne dispose tout simplement pas d’un cadre suffisant d’officiers expérimentés et compétents pour mener les combats. Si elle dispose d’une réserve démographique au sein de la population, elle n’a pas la capacité de la former suffisamment avant de la déployer sur le champ de bataille. L’armement de l’Ukraine est un méli-mélo provenant de différents pays. Plus la guerre dure, plus l’entretien et le remplacement sont nécessaires, et plus la logistique est difficile.
Ce qui nous amène à nous, les alliés occidentaux de l’Ukraine. Si l’Ukraine a besoin de plus d’armes pour une guerre au long cours peut-on lui en fournir ? Et alors que la Russie sur le pied de guerre, sommes-nous capable passer notre production d’armes en mode économie de guerre ? Malheureusement, la réponse à ces deux questions est négative. L’Amérique a principalement fourni des armes à l’Ukraine en puisant dans ses réserves, tandis que l’Europe, en manque d’armes, fait surtout des dons d’argent. Pour les États-Unis, Israël est une priorité et les élections présidentielles se profilent à l’horizon. Et tout ce qui est problématique interne prime systématiquement sur l’international. En Europe, le réarmement est encore trop fragmentaire et trop lent pour aider l’Ukraine à temps.
À moins d’un revirement imprévu, nous sommes confrontés à une guerre d’usure en Ukraine. Le statu quo nécessitera de plus en plus de ressources et de soldats. La probabilité que l’Ukraine puisse riposter s’amenuise alors que celle d’un second souffle pour la Russie augmente. Un nouveau président américain sera élu alors que la guerre est en cours. Les voix en faveur d’une solution négociée se feront de plus en plus fortes. Poutine a toujours compté sur les démocraties occidentales pour plier en premier.
Et si Poutine ne perd pas en Ukraine, on peut oublier la sécurité et la stabilité de l’Europe. La Chine saura quoi faire avec Taïwan et tous les dictateurs ayant des appétits territoriaux sauront que l’Occident finira par plier. L’Ukraine se bat aussi pour nous. L’Europe et l’Amérique n’ont d’autre choix que de mener une guerre longue et difficile contre la Russie. Car en perdant l’Ukraine nous risquons de nous retrouver dans un nouvel et sans pitié ordre mondial.
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