Bruno Colmant

La Belgique en 2026 : les ingénieurs du bazar

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

D’aucuns avaient dit qu’il faudrait que le pays soit géré par des ingénieurs, et il en faudra beaucoup. Mais alors beaucoup, beaucoup.

Parce que si, politiquement, tout le monde aimerait vivre en théorie, ce pays imaginaire où les choses s’articulent fluidement, il en est autre chose de la réalité. Et malheureusement, on ne peut pas faire sienne la maxime prétendument attribuée à Charles de Gaulle : l’intendance suivra.

Je pense aux multiples bouleversements qui vont affecter le pays dès le 1er janvier, et surtout au flou artistique qui entoure la plupart des mesures. Car, il faut se le rappeler, le flou ne profite qu’à l’artiste.

Chômeurs et malades de longue durée

Il y a d’abord les dizaines, les centaines de milliers de personnes qui vont devoir quitter un statut social (chômage, malade de longue durée, etc.) pour un autre, aux contours imprécis. Partout, les présidents de CPAS et les responsables des mutuelles ont prévenu qu’ils ne seraient pas prêts, et que des citoyens hébétés, parce que souvent en multiples décrochages, sont dans l’incompréhension de ce qui se passe, faute d’être correctement informés.

Et cela, c’est bien sûr sans compter sur l’absence d’engagement des entreprises à embaucher des citoyens qui sont en marge de la vie professionnelle. Là aussi, on peut se dire qu’en théorie, un chômeur peut occuper le poste d’un métier en pénurie, mais c’est loin d’être acquis, puisque les humains ne sont pas fongibles.

Je pense ensuite à la limitation de l’indexation. Je ne sais pas qui possède les bons chiffres, mais chaque calculateur arrive à un résultat différent, sans compter les gigantesques modifications qui vont devoir être apportées par les secrétariats sociaux et autres départements des ressources humaines. De nombreuses adaptations salariales auront lieu, avec des compositions de rémunération traditionnelle et d’avantages extra-légaux qui vont s’échouer dans des tombereaux de perplexité.

Taxes en cascade

Et enfin, je pense à la taxation des plus-values, qui se cumule à un doublement de la taxe sur les comptes-titres dans un contexte où tout le monde était d’accord qu’il fallait stimuler le capital à risque, alors que les décisions gouvernementales arrivent à l’effet opposé, au détriment évidemment des PME et des indépendants, dont la représentation gouvernementale paraît plus que fragile.

On aurait pu imaginer d’encourager la recherche et le développement, le financement de start-ups, les investissements dans l’intelligence artificielle, mais non : on confond rentier et entrepreneur. Et c’est grave parce que comme notre économie est très ouverte, il faut sédimenter le capital plutôt que le pénaliser, dans un contexte flagrant de désindustrialisation. Et là aussi, on aura, dès 2026, des lois à peine votées et surtout un vide complet de circulaires administratives qui auraient dû accompagner les changements.

L’année 2026 risque donc d’être non seulement très chargée, mais totalement confuse.

Et je crains qu’à force d’avoir tout voulu faire passer en force, la chaudière n’explose.

Heureusement qu’il reste les ingénieurs.

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