Olivier Mouton

Se préparer à la guerre pour l’éviter

Olivier Mouton Chef news

Réarmer l’Europe. Augmenter de façon substantielle les investissements dans la défense en Belgique et ailleurs. Le cap pris ces derniers jours par nos pays marque un tournant majeur, mettant définitivement un terme aux “dividendes de la paix” et à la “fin de l’Histoire”. La menace russe réveille des démocraties endormies, désireuses de ne plus combattre par les armes pour sauver leur modèle. Les pacifistes, par essence, n’aiment pas la guerre. Mais il faut parfois s’y préparer pour l’éviter. Nous y sommes.

L’effort annoncé est substantiel sur papier, mais tout reste à concrétiser. La Commission européenne a présenté un plan de 800 milliards, qui repose sur les efforts des États membres et un emprunt de 150 milliards. En Belgique, le débat est entamé pour trouver 17,2 milliards sur quatre ans. Le débat politique est vif. Faut-il emprunter ? Nécessité fait loi, mais notre dette va encore se creuser. Vendre les participations dans Belfius ou BNP Paribas Fortis ? Attention à l’effet “one shot”. Réduire la voilure publique et toucher aux allocations familiales, comme le suggère le président du MR ? “Nous ne dérogerons jamais au principe un enfant = un enfant”, répliquent les Engagés. Attention à ne pas tout mettre dans la défense, met en garde l’opposition PS/Ecolo.

Le bras de fer est entamé. C’est une réécriture de l’accord de gouvernement fédéral que l’on doit négocier. Le ministre du Budget, Vincent Van Peteghem (CD&V), estime que cette somme de 17,2 milliards doit être “compensée”. À ce rythme-là, les Russes pourraient être tentés de tester la solidarité de l’Otan et de l’Union européenne, tant on procrastine… “La question est existentielle, on n’a plus une minute à perdre”, insiste l’ancien commissaire européen Thierry Breton. L’heure n’est plus aux tergiversations, mais à l’action, alors que chaque jour démontre davantage que le président américain, Donald Trump, a choisi le camp de Moscou.

Ce tournant militaire devra être imposé, face aux réticences de tous bords.

L’industrie de la défense est sur le sentier de la guerre. “Nous sommes prêts” : voilà le message délivré en Wallonie, Région pour qui ce sursaut sera bénéfique. Mais il reste des unités de production à relancer, du personnel à engager, des décisions politiques pour “acheter européen”… Les entreprises ont anticipé en nouant des partenariats avec leurs homologues français pour créer des “champions européens” de la défense. Mais que de choix à repenser, à commencer par ces contrats de F35 qui nous handicapent dans le contexte nouveau, marqué par le lâchage des États-Unis.

Il s’agira de contrer l’offensive des extrêmes de gauche et de droite affirmant que… l’Europe est devenue un “va-t-en-guerre” à l’heure où Trump parle de “paix”. L’ère de la post-vérité est un fléau. Une interview a tourné en boucle ces derniers jours, celle de l’ancien ministre grec Yanis Varoufakis affirmant à L’Écho que “le plan de réarmement de l’Europe est une folie totale” parce que (refrain connu) “Poutine ne pourra jamais aller jusqu’à Berlin”. Peut-on en être aussi sûr ? Et la solidarité entre Européens ne vaut-elle pas pour les Baltes, les Polonais et… les Ukrainiens ?

Des blindés légers de John Cockerill pourraient être assemblés à la place des voitures dans l’ancienne usine d’Audi à Forest, aux côtés de technologies de pointe pour la défense. Le ministre de la Défense, Theo Francken (N-VA), y croit dur comme fer. Quel symbole ce serait ! Mais les autorités locales s’inquiètent de voir cette usine devenir “une cible”. Comme si nous n’accueillions pas déjà l’Otan et l’Europe. C’est dit : ce tournant militaire devra être imposé, face aux réticences de tous bords. 

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