Christophe Charlot
Les vélos Cowboy et le délicat rodéo des start-up
Si aujourd’hui, on n’accepte pas le modèle des levées de fonds et la prise de risque associée, on sonne définitivement le glas des start-up.
Deux regards féroces qui se croisent sous un soleil de plomb. Deux adversaires qui se fixent dans le blanc des yeux avant de s’affronter en duel face à l’entrée du saloon, les pistolets chargés. Si l’on n’était pas dans le Far West, la tension la semaine passée autour de la scale-up Cowboy y a largement fait penser. Plusieurs articles de presse ont en effet ciblé la firme qui, selon eux, cherchait jusque 28 millions d’euros tout en laissant entendre que le spécialiste belge du vélo électrique connecté était au bord du gouffre: besoin rapide de (beaucoup de cash), réduction de la voilure, etc.
Aussitôt, les réseaux sociaux se sont enflammés et le “tribunal médiatique et public” (dont il est aussi largement question dans cette édition de Trends-Tendances) s’est mis en branle malgré certains démentis de la scale-up. Avec pas mal de virulence, certains ont critiqué ce nouveau tour de table alors que Cowboy a déjà dépassé les 100 millions d’euros en levées de fonds et que la scale-up n’est toujours pas rentable. “Ils brûlent du cash”, “c’est une fuite en avant”, etc.
Bien sûr, les montants sont importants. Bien sûr, Cowboy enregistre des pertes et ses responsables sont à la recherche d’argent frais. Avec un risque, forcément. D’autant que les marchés se sont fortement resserrés dans le climat actuel. Et que les investisseurs se montrent plus prudents et misent beaucoup plus que par le passé sur la rentabilité des boîtes dans lesquelles ils investissent.
Ce modèle d’investissement fait le pari de la croissance rapide pour imposer un produit sur le marché. Depuis des années, à l’instar de la France et des Pays-Bas, les écosystèmes belges ont vu dans le développement de jeunes pousses du digital (mais pas que) une nouvelle dynamique potentiellement positive pour l’économie. Les pouvoirs publics et nombre d’acteurs privés ou semi-privés ont soutenu des entrepreneurs, parfois à grand renfort d’argent public. Qu’une start-up ou scale-up basée sur le modèle de l’hyper-croissance doive lever de l’argent parce qu’elle arrive au bout de son cash n’a rien d’anormal. Ce qui l’est plus, c’est d’encore s’en étonner. La licorne Odoo s’est trouvée au bord de la faillite à de nombreuses reprises dans ses jeunes années.
Pour Cowboy, les dernières années ont été marquées par quelques turbulences.
Notamment en raison de soucis dans la livraison de ses vélos, problèmes liés au climat tendu dans la chaîne d’approvisionnement. Cela a retardé ses plans. Et sans doute aussi creusé ses pertes, déjà importantes. Mais c’est aussi ça, le parcours entrepreneurial. Et les fondateurs de Cowboy, qui sont parvenus à créer un vélo électrique innovant après l’échec de leur précédent projet (Take Eat Easy), voient grand. Très grand. Ce qui peut évidemment leur jouer des tours car leur projet est à risque et rien n’est encore gagné, même s’ils affichent une belle croissance ces derniers mois.
Mais là encore, le risque est le propre d’une scale-up. Les investisseurs de Cowboy l’ont jusqu’ici accepté. Et sous réserve d’avoir une vue réelle sur la gestion de la boîte (au-delà des performances financières), il est étonnant de voir certains de ceux qui promeuvent l’esprit d’entreprendre clouer au pilori des entrepreneurs qui osent et créent de l’activité avec l’argent d’investisseurs privés. Car si aujourd’hui, on n’accepte pas le modèle des levées de fonds et la prise de risque associée, on sonne définitivement le glas des start-up et de leur rodéo permanent avant leur éventuel succès…
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