Olivier Mouton
Faut-il sauver Audi Brussels ?
C’est la mobilisation générale. Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open Vld), veut fédérer les différents gouvernements de notre bon royaume et la direction d’Audi Brussels pour mettre en place un plan de sauvetage. Des nuages noirs s’accumulent au-dessus de l’assembleur automobile. Pas moins de 371 emplois intérimaires ont été supprimés cette semaine en raison du manque de succès du modèle Q8 e-tron, et l’incertitude qui plane sur le futur de l’usine demeure totale. Nul ne sait si le moindre véhicule y sera encore assemblé à partir de 2027. Bref, ça sent le roussi.
Faut-il sauver Audi Brussels ? La question peut sembler provocatrice, mais elle mérite d’être posée. Bien sûr, 3.000 travailleurs sont actifs dans ce qui reste une des dernières grandes industries de la Région bruxelloise. Impossible de les laisser tomber du jour au lendemain, sous peine d’être qualifié de cynique sans cœur. Le Premier ministre avance des réductions de charges, des efforts sur le coût de l’énergie ou un arsenal de formations. Un soutien bienvenu. Mais on ne peut s’empêcher de penser aux précédents de VW à Forest, de Volvo à Genk ou de General Motors à Anvers.
A moyen terme, le jeu en vaut-il la chandelle ? Depuis plusieurs décennies, l’industrie automobile connaît un déclin inéluctable dans notre pays, qui ne dispose d’aucun constructeur digne de ce nom. Les grandes marques européennes ont préféré la Hongrie, la Turquie, le Maroc ou le Mexique pour y donner naissance à leurs nouveaux modèles. La faute à un coût du travail rédhibitoire et à une productivité qui ne fait plus la différence. Audi Brussels est restée chez nous grâce à l’effort intense de certains, D’Ieteren en tête. Mais pour combien de temps ?
Sauver Audi Brussels ? Peut-être. Mais en préparant la suite et en investissant dans les champions de demain. Sans cynisme, mais aussi sans naïveté.
“C’est la décision la plus logique pour la compagnie.” Ces mots couperets prononcés le 21 janvier 2010 par Nick Reilly, patron de GM Europe, pour confirmer la fermeture du site Opel à Anvers, nous reviennent en mémoire. L’annonce avait été faite à l’hôtel Sheraton de Zaventem, tandis que la fermeture de Renault Vilvorde, premier séisme dans ce domaine, avait été signifiée à l’hôtel Hilton de la porte Louise, en 1997. Faut-il attendre une autre annonce, dans un autre hôtel ?
Le déclin est inexorable, confirment les chiffres de la Fédération de l’industrie de l’automobile (Febiac). Alors que 1,3 million de véhicules étaient assemblés dans notre pays en 1994, peu avant la fermeture de Renault, il n’y en avait plus que 267.000 en 2020. La Belgique ne dispose plus d’un écosystème fort, ne conçoit plus aucun véhicule, ne construit même plus de carrosserie… : tout est importé. Une oasis au milieu du désert.
La faillite, en Flandre, du constructeur d’autobus Van Hool, n’est pas directement comparable aux difficultés d’Audi Brussels. Là, des conflits familiaux ont entravé la dynamique de l’entreprise, qui a notamment raté le train de l’électrification. Mais la délocalisation de la production en Macédoine du Nord et la disparition annoncée d’au moins 1.600 emplois confirment que cette industrie ne représente plus l’avenir de notre pays. En Flandre, Agoria parlait d’une “journée noire”, le lundi 8 avril, mais annonçait en même temps que… 1.161 postes vacants attendaient d’ores et déjà ces travailleurs qualifiés.
Ce n’est pas en nous accrochant à un secteur qui, chez nous, est à terme condamné, que nous redynamiserons notre industrie. Mais bien en posant des choix courageux et audacieux pour l’avenir. Sauver Audi Brussels ? Peut-être. Mais en préparant la suite et en investissant dans les champions de demain. Sans cynisme, mais aussi sans naïveté.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici