Olivier Mouton

Des victoires à la Pyrrhus pour ces élections communales

Olivier Mouton Chef news

Les soirées électorales ressemblent toujours à L’Ecole des fans, l’émission de télévision créée par Jacques Martin. Dimanche soir, tous les partis francophones criaient victoire et trouvaient des raisons de se réjouir. Pourtant, la réalité est bien plus tranchée. MR et Engagés confirment leurs bons résultats de juin dernier et décrochent de nombreux maïorats ou participations au pouvoir. Maxime Prévot (Les Engagés) triomphe même à Namur. Le PS conserve le grandes villes (Bruxelles, Charleroi, Liège, etc.), mais doit s’associer aux précédents dans bien des cas. Les petits poucets s’effondrent : pour Ecolo et DéFI, la crise devient existentielle. En témoigne la débâcle de Bernard Clerfayt à Schaerbeek.

Ce sont des victoires à la Pyrrhus, dans bien des cas. Le morcellement des voix oblige à mettre en place des majorités avec plusieurs partenaires, des alliances de circonstance se nouent à l’échelon local et certains ont des raisons de s’inquiéter, tout en faisant la fête. Georges-Louis Bouchez, président du MR, a manqué son pari de conquérir Mons en dépit d’une forte progression : à force de faire monter les enchères, une victoire peut ressembler à une défaite. Paul Magnette, président du PS, se vante d’avoir arrêté la vague bleue avec un mur rouge, mais son parti continue à s’éroder.

L’essentiel, pourtant, n’est pas là. La législature qui s’ouvre s’annonce dantesque sur le plan budgétaire. Les banques ont décidé de fermer le robinet du financement régional pour donner de l’oxygène aux communes. Traduction : l’heure sera aux économies, aux taxations nouvelles et aux trésors de créativité pour ne pas réduire la voilure. Si les votes ont valorisé un bourgmestre “sympa” ou sanctionné un autre qui n’était pas assez présent sur le terrain, les lendemains seront marqués par cette réalité plus sombre. Ce sont des victoires à la Pyrrhus, car après l’arithmétique joyeuse des majorités à composer viendra celle, moins drôle, des comptes à mettre en ordre.

Il s’agira de toucher aux tabous et cela risque de faire mal.

Bart De Wever, président de la N-VA, a triomphé à Anvers, face à l’extrême gauche. Son cœur est dans la métropole, mais sa raison l’invite à finaliser les négociations fédérales, disait le soir des élections celui qui est aussi formateur royal. “Pour mettre de l’ordre dans les comptes et durcir les règles en matière d’immigration”, dit-il. La parenthèse électorale refermée, le timing devient ultra-serré pour composer un gouvernement fédéral et remettre la feuille de route budgétaire à la Commission européenne, mi-décembre. Enfin, les partis de l’Arizona vont se remettre au travail !

Les caisses sont vides, à tous les niveaux de pouvoir, et l’heure du discours vérité est arrivé. Notre dossier de couverture évoque les solutions pour remettre les budgets à flot. Il s’agira de toucher aux tabous et cela risque de faire mal. Au niveau local et régional, on reverra des structures et on réduira la voilure en ce qui concerne les fonctionnaires. Au niveau fédéral, il n’y aura guère d’autre solution que de réformer et de remettre à plat la sécurité sociale. Si on a le courage d’agir…

“On prend les gens pour des imbéciles”, s’irrite Alexia Bertrand (Open Vld), secrétaire d’Etat fédérale sortante au Budget, dans l’entretien qu’elle nous a accordé. N’ayant plus rien à perdre, avant de se retrouver dans l’opposition, elle assène: “Les politiques évitent d’évoquer des économies pour ne pas effrayer les gens. C’est irresponsable et c’est scandaleux.” Ou encore: “Ceux qui dépensent toujours plus n’ont pas travaillé dans le privé.” Que les partis saluent des victoires à la Pyrrhus, c’est bien. Qu’ils prennent leurs responsabilités ensuite, voilà ce que l’on est désormais en droit d’attendre.


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