Bruno Colmant

Du dollar à la nationalisation des mines d’or ?

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Le titre de cette chronique peut paraître incongru. Quel lien peut-il y avoir entre le dollar américain et l’expropriation des actionnaires privés des sociétés minières d’or ?

Il y a un lien, sachant que le rôle d’une chronique n’est pas de bégayer l’actualité, mais de plonger dans des avenirs incertains.

Comment serait-il possible de remplacer le dollar, qui intervient pour 60 % des échanges internationaux, par une autre devise, alors que la part de l’euro dans le commerce international plafonne à 20 %, et que, des cinq devises de réserves reconnues par le Fonds Monétaire International – à savoir le dollar, l’euro, la livre sterling, le yen et le renminbi –, cette dernière devise est marginale et de surcroît non totalement convertible ?

On ne peut donc pas remplacer le dollar comme devise de transaction.

Mais il est possible, et ce mouvement est imparable, de remplacer le dollar comme instrument de thésaurisation, ce qui explique que l’or remplace progressivement le dollar dans les réserves de différentes banques centrales. C’est évidemment l’une des raisons de l’augmentation du cours de l’or.

Pourtant, à cela, un esprit sage me rétorquerait : une banque centrale n’a pas besoin de dollars ni d’or pour émettre sa propre monnaie, qui repose sur la confiance. De surcroît, quel est l’intérêt d’acquérir de l’or, matière inerte et polluante destinée à être thésaurisée, alors que le dollar est un instrument de négociation ?

La réponse réside probablement dans le fait que les États-Unis veulent déprécier le dollar dans un contexte d’endettement public stratosphérique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains économistes américains veulent imposer à leurs partenaires économiques la souscription de cette dette publique à long terme.

Quoi qu’il en soit, la confiance dans le dollar va immanquablement s’éroder, ne fût-ce que parce que les États-Unis doivent partager la dominance militaire mondiale avec d’autres pays et que leur isolationnisme commercial conduira évidemment à un isolationnisme monétaire.

Donc l’or reste un actif certain. D’autres pourraient être envisagés comme des terres (rares, par exemple), mais un pays peut toujours utiliser ses propres ressources quitte à les nationaliser. Et, concomitamment, on observe une résurgence de l’orpaillage, comme dans les Asturies.

Et, dans le cadre de cette réflexion intuitive, il existe un autre risque pour l’or s’il devient un actif de référence.

C’est la nationalisation des mines d’or.

Ce n’est pas impossible : le Mali a récemment nationalisé les mines de Barrick Mining, tandis que le XXe siècle regorge d’exemples de pays qui interdirent la propriété privée de l’or. Ce fut le cas sous la présidence de Roosevelt, de 1933 à 1974, en Union soviétique, au Royaume-Uni, en Allemagne, etc.

Les temps sont évidemment différents, mais si l’or redevient un référentiel monétaire, alors le contrôle des mines par l’État devient presque une évidence. L’histoire est un éternel recommencement.

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