Amid Faljaoui

Crypto : l’impôt du doute

Vous investissez en cryptos ? Préparez-vous à vivre un moment très belge : un impôt… à trois vitesses. Et à l’arrivée, plus de confusion que de clarté.

Officiellement, c’est simple : à partir du 1er janvier 2026, les plus-values réalisées sur les cryptomonnaies — que ce soit du bitcoin, de l’ether ou du solana — seront taxées à 10 %. Ce taux s’accompagne d’un petit cadeau fiscal : les 10.000 premiers euros de gains sont exonérés.

Sur le papier, c’est séduisant. On se dit : enfin un cadre clair, enfin une vraie loi sur les cryptos, après des années de flottement. Sauf que… ce nouveau régime ne remplace pas l’ancien, il vient s’y superposer. Et c’est là où nous arrivons à notre moment Magritte. A notre surréalisme fiscal belgo-belge !

La raison ? On se retrouve aujourd’hui avec une situation typiquement belge : deux régimes fiscaux qui cohabitent, parfois en se contredisant. L’un est écrit noir sur blanc dans la loi. L’autre repose sur des règles anciennes, sur des décisions individuelles appelées rulings, et surtout sur l’appréciation du fisc.

Et cette appréciation, elle peut faire mal.

Parce que si l’administration estime que vos opérations sont trop fréquentes, trop rapides ou trop importantes, elle peut considérer que vous avez eu un comportement spéculatif. Et dans ce cas-là, ce n’est plus 10 %… c’est 33 %.

Et si elle estime que vous agissez comme un professionnel — parce que vous réalisez du contenu sur YouTube, parce que vous aidez d’autres investisseurs, ou simplement parce que vous y passez beaucoup de temps — alors là, c’est le barème classique de l’impôt des personnes physiques. Autrement dit : jusqu’à 50 %.

Et la drame, c’est que ce n’est pas vous qui choisissez votre régime. C’est l’administration. Après coup. En fonction d’un faisceau d’indices.

Ce flou fiscal a un effet bien concret : le risque que les gens ne déclarent plus leurs gains. Pas par malhonnêteté, mais par peur de mal faire.

C’est un peu comme aller au restaurant, commander un plat à 20 euros… et qu’à la fin du repas, le serveur vous dise : “Ah non, désolé, vous avez mangé trop vite. Ce sera 50 euros”.

Le plus ironique, c’est que ce système hybride crée exactement ce qu’on voulait éviter : l’incertitude. L’investisseur ne sait plus à quoi s’attendre. Il ne sait pas s’il est dans le bon cadre, ou s’il va se faire requalifier. Et surtout, il ne sait pas comment anticiper. Ce flou va à l’encontre de la logique même de la fiscalité : prévoir pour mieux contribuer.

Et ce flou n’est pas théorique. Il a un effet bien concret : le risque que les gens ne déclarent plus leurs gains. Pas par malhonnêteté, mais par peur de mal faire.

On crée une fiscalité qui fait peur, alors qu’on aurait pu créer une fiscalité qui donne confiance.

Il aurait suffi de dire : “À partir de 2026, tout le monde paie 10 %, on tourne la page.”

Mais non, c’était trop simple : on garde les anciennes règles, on ajoute une nouvelle couche, et on laisse les contribuables se débrouiller. Avec, en prime, la menace de contrôles et de requalifications. C’est un peu comme offrir un mode d’emploi… sans explication.

Alors oui, l’État a besoin de recettes. Oui, les cryptos ont longtemps échappé à toute taxation. Mais il y avait là une occasion de faire simple, efficace, moderne. Et à la place, on a créé une zone grise. Un terrain glissant, où l’incertitude fiscale risque de faire fuir les petits investisseurs, au lieu de les inciter à jouer le jeu. C’est effectivement notre moment Magritte !

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