Typhanie Afschrift

Vincent Van Peteghem, le ministre qui n’aime pas les livres

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Un taux de TVA plus élevé pour les livres ? Mais s’attaquer au livre, c’est s’en prendre à un symbole essentiel de la culture…

Beaucoup de commentateurs avaient accueilli positivement l’annonce par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem de sa “première phase d’une vaste réforme fiscale”. Certains avaient un peu vite annoncé un gain de 835 euros pour chaque travailleur, parfois sans même préciser qu’il s’agissait d’un gain potentiel annuel et non mensuel. Et, surtout, sans se rendre compte que pratiquement personne ne gagnera cela parce que d’autres mesures fiscales “compenseront” la perte de recettes causée par la modification du barème de l’impôt des personnes physiques, voire aboutiront à aggraver la situation de nombreux contribuables par rapport à leur situation actuelle.

L’une des mesures est ce que le ministre appelle “l’harmonisation” des taux de TVA. En clair: l’augmentation, à concurrence d’un milliard, des recettes TVA du Trésor. La méthode est simple: il s’agit d’unifier les taux existant de 6 et de 12% en un seul taux de 9% applicable à tous les produits et services soumis actuellement à 6% ou à 12%, à l’exception des fruits et légumes, désormais exonérés, et de quelques services comme l’électricité, maintenue à 6%.

Tout bénef’ pour l’Etat

Le ministre n’a annoncé aucune autre exception parce qu’il lui faut son milliard à faire payer par les consommateurs. Si l’opération est rentable pour l’Etat, c’est tout simplement parce qu’il y a quantitativement beaucoup plus de produits et services actuellement soumis à un taux de 6% qu’au taux de 12%. Les 3% “gagnés” par l’Etat sur les premiers représentent par conséquent davantage que les 3% lâchés sur les seconds.

On ne sait si le ministre en était conscient lors de son annonce mais, parmi les produits qui – sauf intervention législative que l’on peut toujours espérer – passeront de 6 à 9%, il y a les livres. Ceux-ci, souvent considérés comme des “produits de première nécessité”, bénéficient aujourd’hui de ce taux réduit.

Des livres plus chers

Concrètement, l’augmentation envisagée implique une augmentation de 3% du prix de tous les livres vendus en Belgique, quel que soit le canal utilisé: vente en librairie ou via e-commerce avec un distributeur, même étranger, ou achat de livres électroniques. La seule manière de payer moins, pour un lecteur francophone, est d’aller soi-même le chercher chez un commerçant français qui, lui, ne doit appliquer qu’une TVA de 5,5%. Pas toujours très pratique, et en tout cas une perte sèche pour les libraires belges.

On ne sait si Vincent Van Peteghem, bourgmestre de De Pinte et député de Gand, soit deux fonctions héritées de son père, a agi de manière cynique parce que le secteur du livre ne l’intéresse pas, ou si sa décision, dont on dit qu’elle est en générale dictée par son administration, est tout simplement irréfléchie. S’attaquer au livre, c’est s’en prendre à un symbole essentiel de la culture. On se plaint souvent que les Belges ne lisent pas assez. Augmenter le prix des livres ne va pas améliorer ce constat.

Le silence des ministres

La disposition paraît en tout cas n’être qu’une mesure budgétaire dénuée de vision. Le plus étonnant est peut-être le manque de réaction visible des ministres de la Culture, tant francophone (Ecolo) que flamand (N-VA). A supposer qu’un ministre de la Culture serve à quelque chose d’autre qu’à distribuer des subsides sur la base de critères politiques, ne serait-ce pas le moment de montrer que le livre mérite d’être défendu?

La ministre de la Culture Bénédicte Linard ne veut pas d’une hausse de la TVA sur le livre

La ministre de la Culture en Fédération Wallonie-Bruxelles, Bénédicte LINARD (Ecolo), s’est dit opposée à l’augmentation de la TVA sur le livre envisagée par la majorité fédérale, où siègent également les écologistes

Je suis tout à fait opposée à ce projet, qui serait très dommageable pour les lectrices et les lecteurs, les librairies indépendantes et pour le marché du livre francophone en général au vu de sa proximité avec le marché français où le taux de TVA applicable est de 5,5%“, a souligné la ministre interrogée mardi en commission du Parlement par plusieurs députés. Pour rendre la lecture et les livres plus accessibles au public le plus large possible, il est “évident que le prix du livre ne doit pas augmenter“, a insisté Mme LINARD.

Les trois ministres de la Culture du pays ainsi que les ministres-présidents des trois Communautés ont d’ailleurs adressé récemment un courrier au ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) pour exprimer leur opposition au projet. Dans le cadre d’une réforme de la fiscalité, le gouvernement fédéral entend diminuer les impôts sur le travail, mais augmenter la fiscalité sur le patrimoine ainsi que la consommation. Dans ce cadre, une augmentation de la TVA sur le livre de 6 à 9% est envisagée.

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