Le dimanche 17 août 2025, Washington D.C. suffoque sous une chaleur estivale oppressante.
Dans le Bureau ovale, Donald Trump, président des États-Unis, paraphe un décret qui fracture l’économie mondiale. Face à une inflation galopante, un déficit commercial record et une dette publique vertigineuse, il ne peut imiter Richard Nixon (1913-1994), qui, le 15 août 1971, suspendit la convertibilité du dollar en or, laissant le billet vert flotter librement.
Trump opte pour une réforme radicale : autoriser la création de stablecoins, émis par des entreprises privées et le Trésor américain, tous indexés sur le dollar. Ce système inédit introduit deux monnaies en circulation — le dollar classique et un « dollar-stablecoin » — dans un monde où la Chine, l’Europe et les cryptomonnaies contestent l’hégémonie américaine. Il s’agit d’une gigantesque révolution monétaire, une devise technologique nouvelle émanant d’algorithmes inconnus.
Le mécanisme est audacieux. Le Trésor émet un stablecoin officiel, le « T-Dollar », garanti à parité 1:1 avec le dollar classique. Parallèlement, des entreprises privées, comme des géants technologiques ou des banques, sont aussi autorisées à émettre leurs propres stablecoins, également indexés sur le dollar. Ces stablecoins coexistent avec le dollar classique, utilisé pour les transactions traditionnelles. Pour encourager leur adoption, Trump exonère les transactions en stablecoins de certaines taxes et impose des tarifs douaniers renforcés pour protéger l’économie.
Mais les choses viennent de loin : Donald Trump avait 25 ans, ce sinistre mois d’août 1971 et il s’en souvient, car cela a marqué sa pensée au fer rouge.
Le vendredi 13 août 1971, les lourdes pales de deux hélicoptères bleu et blanc emmenèrent neuf hommes de la Maison-Blanche vers Camp David, la résidence des présidents américains dans le Maryland. Il ne s’agissait, selon la presse, que de régler quelques décisions administratives sans grand intérêt. À bord se trouvaient quelques hommes qui façonnèrent la politique américaine du dernier tiers du XXe siècle. Il y avait bien sûr le président républicain, Richard Nixon. C’était un rescapé de la vie politique américaine. Plus jeune vice-président des États-Unis sous la présidence de Dwight Eisenhower (1890-1969), c’était l’homme qui fut évincé aux élections de 1960 par John Kennedy (1917-1963). Après l’assassinat de ce dernier, le 22 novembre 1963 à Dallas, son vice-président, Lyndon Johnson (1908-1973), assurera la présidence jusqu’en 1968. C’est précisément cette année-là que Richard Nixon prit sa revanche. Il démissionnera six ans plus tard, en août 1974, dans le sillage du scandale du Watergate.
Aux côtés de Richard Nixon se trouvait John Connally (1917-1993). Cet ancien gouverneur du Texas, transfuge du parti démocrate vers le parti républicain, était un homme sulfureux. Il était né exactement trois mois avant John Kennedy et fut presque abattu le même jour. Dans la longue limousine décapotable visée par Lee Oswald (1939-1963), il y avait en effet deux couples : les Kennedy et les Connally. John Connally, alors gouverneur du Texas, fut gravement blessé à la poitrine. Il déclara que s’il n’avait pas été tué, c’est qu’un destin spécial lui était réservé. Il y avait aussi George Schultz (1920-2021). Nommé directeur du Budget en 1971 par Richard Nixon, il sera ultérieurement secrétaire d’État (c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères) sous la présidence de Ronald Reagan. Enfin, il y avait Paul Volker, probablement l’homme le plus influent sur la politique monétaire de la fin du siècle passé, déjà cité au titre d’artisan monétaire du basculement néolibéral en 1979 par le combat contre l’inflation qu’il aura contribué à embraser lors de ce fameux week-end d’août 1971.
Pendant cette pause estivale du début de la huitième décennie du XXe siècle, dans le plus grand secret, ces conspirateurs rédigèrent l’Executive Order 11615. Si cette disposition, signée le 15 août 1971 à Washington par Richard Nixon, sembla anodine et destinée à stabiliser l’économie américaine, elle représenta en réalité la plus incroyable décision financière de la seconde moitié du XXe siècle. Le 15 août 1971, les États-Unis opérèrent le plus grand hold-up de l’histoire monétaire. Ils décidèrent de suspendre et puis d’annuler la convertibilité du dollar en or. Le lendemain de ce coup d’État monétaire, instrumentalisé par une monnaie qui était désormais affranchie d’une tutelle aurifère, l’indice Dow Jones connut une de ses plus fortes hausses.
Mais nous sommes en 2025. L’idée naît dans l’urgence. Les conseillers de Trump proposent une solution disruptive, alors que les créanciers étrangers, la Chine en tête, réduisent leurs achats de bons du Trésor. Trump, voyant une opportunité de reprendre l’initiative, s’adresse à la nation dans une allocution télévisée : « Le dollar, c’est l’Amérique, mais il doit évoluer. » Il renforce ainsi le mouvement « Make America Great Again » (MAGA), faisant écho aux propos de John Connally Jr., secrétaire au Trésor sous Nixon, qui déclara en 1971 aux partenaires économiques des États-Unis : « Le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème. »
À l’ouverture des marchés, le prix de l’or atteint un record historique de 5 000 dollars l’once, un niveau qui cristallise la défiance mondiale envers le dollar. Cette flambée reflète une ruée vers les valeurs refuges. La Chine, en vendant progressivement ses bons du Trésor, diversifie ses réserves vers l’or, tandis que les banques centrales de Russie et d’Inde accumulent le métal précieux, anticipant un affaiblissement du système monétaire occidental. Les investisseurs privés, des hedge funds aux petits épargnants, amplifient la hausse, fuyant un dollar érodé par l’endettement américain. L’or, jadis symbole de la puissance des États-Unis, devient une arme contre eux, accentuant la pression sur Trump pour imposer son système de stablecoins face à un monde qui doute de la suprématie américaine.
L’application est chaotique. Les marchés, déstabilisés, plongent : le dollar classique chute de 25 %, les bourses asiatiques s’effondrent, et les cryptomonnaies traditionnelles, comme Bitcoin, s’envolent face à l’incertitude. Le cours du bitcoin s’élève instantanément à 230 000 dollars. Les stablecoins privés, mal compris, peinent à inspirer confiance, tandis que le T-Dollar, perçu comme une extension du dollar classique, suscite des doutes sur sa liquidité. Les prix des biens importés explosent, l’essence atteint des records, et des émeutes éclatent alors que les ménages luttent pour s’adapter à ce système dual.
Comme en 1971, la réaction internationale est hostile. La Chine, percevant une menace pour le yuan, vend massivement des bons du Trésor et accélère ses accords pour des transactions en yuan. L’Europe, divisée, hésite : l’Allemagne, attachée à la stabilité monétaire, critique le décret, tandis que l’Italie et d’autres pays envisagent des assouplissements monétaires, incapables toutefois d’enrayer l’appréciation de l’euro face au dollar. Le système monétaire vacille, et un monde monétaire multipolaire s’affirme.
Le 17 août 2025 marque un tournant : Trump ébranle l’hégémonie du dollar, ouvrant une ère d’incertitude où les États-Unis ne règnent plus seuls. Il y aura donc eu trois dévaluations majeures du dollar : Franklin Roosevelt (1882-1945) en 1934, Nixon en 1971, et Trump en 2025.
Tout ceci est, bien sûr, de la science-fiction. Encore que…