Une chronique d’Amid Faljaoui.
Vendredi soir, RTL-TVI a diffusé un reportage au titre volontairement provocateur : Sans boulot : tous fraudeurs ?
Résultat ? Trente-neuf pour cent de parts de marché…
Des réactions en chaîne sur les réseaux…
Et plusieurs plaintes déposées au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Un succès d’audience, oui. Mais un désastre de nuance.
Parce que pendant que tout le monde s’écharpe sur la morale : fallait-il montrer ces images, dénoncer ces comportements ou défendre ces gens, personne ne parle du vrai sujet.
L’éléphant au milieu du salon, c’est pas la fraude sociale.
C’est le business de nos émotions.
Aujourd’hui, la télévision, comme YouTube, Netflix ou TikTok, ne vend plus de l’information. Elle vend de l’attention.
Et dans ce marché-là, la nuance ne rapporte rien.
Ce qui fait grimper les audiences, c’est la colère, l’indignation, le choc. En fait, c’est très simple : plus on s’indigne, plus on reste.
Et plus on reste, plus la minute d’écran vaut cher.
Voilà le nouveau modèle économique de notre époque :
l’économie de la dopamine. Quelques images fortes, une musique lourde, un montage rapide… Et notre cerveau réagit avant même qu’on ait eu le temps de réfléchir.
Il libère de la dopamine, la molécule du plaisir. Parce que oui, s’indigner, c’est agréable. Ça donne l’impression d’être du bon côté.
Ce modèle économique fonctionne parce qu’il s’appuie sur nos biais cognitifs. Le biais d’indignation morale, d’abord : on se sent vertueux quand on juge. Le biais de confirmation ensuite : on retient ce qui conforte nos idées. Et puis le biais de représentativité : trois cas isolés deviennent une vérité nationale alors que par définition ce reportage n’a aucune valeur statistique et donc scientifique.
Résultat : la télé ne crée pas nos colères, elle les orchestre.
Et nous, on croit penser, alors qu’on ne fait que réagir. Alors oui, ce reportage a choqué à gauche de l’échiquier politique parce qu’il vise les plus fragiles. Mais souvenons-nous : d’autres émissions, hier, sous d’autres cieux, faisaient exactement la même chose dans l’autre sens. Le sujet change, le camp du bien et du juste aussi, mais la mécanique reste la même. Fabriquer de la polarisation.
Et cette polarisation, c’est du mauvais management collectif.
Parce qu’en économie, comme en entreprise, la division détruit la confiance. Et sans confiance, il n’y a ni investissement, ni innovation, ni croissance.
Sur le fond, limiter la durée du chômage était une réforme juste.
La Belgique était une exception mondiale.
Mais maintenant que la décision est prise… il faut accompagner, pas accabler. Motiver, pas humilier.
Un bon dirigeant le sait : après la décision difficile, vient le temps du sens. On ne motive pas par la peur, on motive par le projet.
Et c’est là la vraie leçon de management de cette affaire.
Une bonne décision, mal expliquée, devient un mauvais leadership. La raison ? Une société, comme une entreprise, ne se redresse jamais contre les siens. Elle se redresse avec eux.