Amid Faljaoui

Tesla n’est plus une entreprises, c’est une religion

C’est l’info du weekend. Un PDG pourra toucher 1000 milliards de dollars. Oui, vous avez bien entendu, un seul homme pourra encaisser 1000 milliards : et c’est évidemment Elon Musk.

Le conseil d’administration de Tesla vient de proposer ce qui restera sans doute comme le plan de rémunération le plus extravagant de l’histoire du capitalisme : mille milliards de dollars sur dix ans. Même dans un monde habitué aux superlatifs financiers, ce chiffre est dingue et donne le vertige.

Comment fonctionne ce dispositif ? Musk ne toucherait ni salaire ni bonus. Mais il pourrait mettre la main sur 423 millions d’actions supplémentaires, soit environ 12 % du capital de Tesla. Le tout débloqué par tranches, à condition d’atteindre des objectifs aussi irréalistes que spectaculaires : par exemple, multiplier par 24 les bénéfices, faire grimper la valeur boursière de 1.100 à 8.500 milliards de dollars, vendre un million de robots humanoïdes et des millions de robotaxis. Bref, transformer Tesla en un empire de science-fiction.

À première vue, le pari semble grotesque tellement c’est une folie. Mais ce plan de dingue rappelle un précédent. En 2018 déjà, Musk avait obtenu un plan de rémunération jugé irréalisable. À l’époque, Tesla valait 59 milliards de dollars. Quelques années plus tard, grâce à Elon Musk, Tesla avait dépassé les 650 milliards. Et Musk avait empoché 56 milliards de dollars et donné tort à ceux qui doutaient de ses capacités. L’histoire pourrait-elle se répéter ?

Peut-être. Mais la vraie question est ailleurs. Pourquoi le conseil d’administration et les actionnaires acceptent-ils une telle folie ? Parce que Tesla n’est pas une entreprise comme les autres. Ses voitures, ses batteries, ses usines comptent, bien sûr, mais elles ne suffisent pas à justifier une valorisation de 1.100 milliards. La vérité, c’est que Tesla vaut ce que vaut Elon Musk. Sans lui, plus de rêve, plus de promesses futuristes, plus de robotaxis. Sans lui, Tesla redevient un constructeur automobile comme les autres.

Les marchés n’achètent plus une entreprise, ils achètent un prophète

C’est là que réside le cœur du problème. Les marchés n’achètent plus une entreprise, ils achètent un prophète. Tesla n’est plus seulement une société cotée, elle est devenue une religion boursière. Elle a son prophète – Elon Musk –, ses fidèles – les actionnaires – et ses miracles annoncés – les robots humanoïdes, les voitures autonomes, les énergies révolutionnaires. Les églises se vident, mais les Bourses, elles, se remplissent de croyants.

Alors oui, les objectifs sont délirants. Mais les actionnaires voteront probablement oui, parce qu’ils préfèrent être riches avec un gourou que pauvres avec un gestionnaire banal. C’est une prise d’otage consentie. Une dépendance assumée.

Mais la question dépasse l’économie. Que devient une démocratie quand un individu concentre autant de pouvoir qu’un État ? Quand un PDG peut prétendre à un bonus supérieur aux réserves d’or d’un pays entier ? Quand il a, entre ses mains, à la fois des voitures électriques, des fusées, de l’intelligence artificielle, des robots, et l’oreille de millions de fidèles sur les réseaux sociaux ?

Le capitalisme avait inventé les milliardaires. Et là, devant nous, il est en train de fabriquer les trillionnaires. Et ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est une question de pouvoir, d’influence, de souveraineté. Jusqu’où ira cette logique ? Jusqu’où les marchés accepteront-ils de suivre un gourou, j’ai faille dire un prophète ?

Et pourquoi pas d’ailleurs, car au fond, Tesla ne fonctionne plus comme une entreprise. Elle fonctionne comme une Église. Avec son prophète charismatique, ses promesses de miracles technologiques et sa communauté de fidèles prêts à croire. Et c’est peut-être cela, le plus fascinant – et le plus inquiétant : Mille milliards, c’est plus qu’un bonus, c’est un acte de foi.

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