Bruno Colmant

Taxe sur les plus-values : le leurre de la déduction des moins-values

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Malgré les promesses politiques de certains partis de ne pas augmenter les impôts sur l’épargne, les investisseurs, qu’ils soient petits ou grands, opérant sur les cryptomonnaies ou les actions, devront désormais s’acquitter d’une taxation de 10 % sur leurs plus-values. Et il est fort probable que très rapidement, cette taxation passe à 30 %, rejoignant ainsi le taux du précompte mobilier.

Bien sûr, il est annoncé que les moins-values seront déductibles. Mais, en réalité, ce sera un leurre, et de très nombreux investisseurs renonceront à cette déduction des moins-values, ainsi qu’à l’exonération des premiers 10 000 € de plus-values. Cette exonération représente, pour rappel, une économie d’impôt de 10 % sur 10 000 €, soit 1 000 €. Je le précise, car de nombreuses personnes croient que ces 10 000 € constituent une déduction d’impôt directe, alors qu’il s’agit d’une déduction de la base imposable, à laquelle s’applique ensuite le taux de 10 %.

Si vous possédez des actions, des obligations, des cryptomonnaies ou même de l’or physique, vous aurez le choix.

Vous pouvez choisir d’accepter que la banque (ou l’intermédiaire financier) prélève 10 % d’impôt sur les plus-values. Concrètement, à chaque réalisation d’une plus-value, la banque calculera l’impôt de 10 % et le versera aux autorités fiscales le 15 du mois suivant. Cependant, la banque ne déduira pas les moins-values que vous auriez pu réaliser au cours de la même période : seules les plus-values seront taxées. Ce système, appelé « opt-in », implique que, si vous avez réalisé des moins-values, vous devrez en demander la déduction sur votre déclaration fiscale.

Au terme de l’année, la banque vous transmettra donc un document mentionnant toutes les plus-values réalisées, sur lesquelles elle aura prélevé 10 % d’impôts. Muni de ce document, qui mentionnera également les moins-values, vous pourrez demander leur déduction via la déclaration fiscale, ainsi que la déduction de l’exonération des 10 000 €. Le montant net des plus-values, après déduction des moins-values et de l’exonération, ne pourra évidemment pas être négatif.

Ces déductions de moins-values et de l’exonération n’interviendront cependant que bien plus tard, lors de l’établissement de l’impôt. Prenons le cas d’une moins-value réalisée en janvier 2026. Elle sera déduite dans la déclaration fiscale établie en juin 2027 (pour les revenus de 2026), et l’enrôlement de l’impôt n’interviendra qu’au plus tôt en fin 2027 ou début 2028. C’est un décalage de près de deux ans, alors que toute plus-value est, elle, prélevée le mois suivant sa réalisation.

Mais c’est à ce moment-là que les ennuis commencent. En effet, il subsiste une disposition fiscale permettant de taxer les plus-values sur actions à 33 % lorsqu’elles dépassent le cadre d’une gestion normale d’un patrimoine privé (en « bon père de famille »).

Or, personne ne sait précisément ce que cette notion recouvre. Cela suppose que si un particulier réalise trop de plus-values aux yeux des autorités fiscales (cde qui apparaîtra dans le document fourni par la banque), la taxation de ses plus-values pourrait passer à 33 %, majorée des additionnels communaux. Par conséquent, de très nombreux particuliers éviteront de demander la déduction de leurs moins-values, de peur que les autorités fiscales, en examinant le document fourni par les banques, ne requalifient leurs plus-values au taux de 33 %.

L’autre système, que très peu de particuliers invoqueront (car les banques tenteront de les contrarier), est l’« opt-out ». Dans ce cas, les banques ne prélèvent rien, mais le particulier doit déclarer lui-même ses plus-values et moins-values, ainsi que demander la déduction de l’exonération des 10 000 € via sa déclaration fiscale. Ce système est plus cohérent, car les plus-values seraient taxées au même moment que les moins-values seraient prises en compte (lors de l’établissement de l’impôt), assurant ainsi une meilleure synchronisation. Cependant, il présente le même risque de requalification des plus-values à 33 %.

Et, en vérité, cette taxation, que l’on peut juger contre-productive, ne frappera que les contribuables qui n’ont pas l’impératif de réaliser des plus-values, soit parce que les revenus générés par leur capital (dividendes et intérêts) leur suffisent, soit parce qu’ils n’ont tout simplement pas besoin de céder leurs titres. C’est donc le petit investisseur qui est visé, sachant que les grandes fortunes ne cèdent jamais leurs titres, mais les placent dans des fondations ou les transmettent par donation, échappant ainsi à cette taxation.

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