Amid Faljaoui
Talleyrand, notre bon d’État et la chance de cocu de notre ministre des Finances
Dans la vie, il faut avoir un peu de chance. D’ailleurs, on raconte que l’immense Talleyrand refusa un poste diplomatique important à un aristocrate, quand ce dernier lui avoua qu’il n’avait jamais eu de chance dans sa vie. « Je m’en voudrais de faire mentir votre infortune » lui répondit Talleyrand en déchirant aussitôt sa nomination !
Si Talleyrand a réagi de la sorte alors qu’il était un être supérieurement intelligent, ce n’était pas du tout pas superstition, mais juste une manière de faire remarquer à cet aristocrate que son manque de chance chronique n’était pas le résultat d’un destin funeste, mais plus une inaptitude globale à ne pas savoir tirer parti des plus belles occasions. En clair, Talleyrand ne croyait pas à la chance ou à la malchance, mais à la volonté.
J’évoque cette anecdote par rapport à notre gouvernement belge. Cette coalition Vivaldi n’a pas réalisé de grandes choses durant cette législature : pas de réforme fiscale et pas de véritable réforme des pensions. Et là, grâce à un coup de bol historique, le ministre des Finances, qui allait rester dans les annales comme le ministre ayant raté la seule mission qui lui était réservée, à savoir réussir la réforme fiscale, s’en tire par le haut, car il a réussi à récolter 22 milliards d’euros en une semaine à peine, via son fameux bon d’État.
Je vous en reparle aujourd’hui, car comme vous le savez, ce fameux bon d’Etat, qui inspire même le gouvernement grec, bénéficiait d’une réduction d’impôt, à savoir d’un précompte mobilier de 15% au lieu de 30%. Et donc certains juristes se demandaient si cette réduction d’impôt, accordée uniquement au bon d’Etat, n’allait pas être retoquée par le Conseil d’État, car il serait une forme de concurrence déloyale vis-à-vis d’autres produits financiers vendus par des banques ou des assureurs par exemple. Et c’est là où notre ministre des Finances a une chance de cocu, le Conseil d’État vient de valider son précompte mobilier réduit de 50% !
C’est dingue, cet homme – Vincent Van Peteghem – aurait certainement été promu par Talleyrand, car lui, à l’inverse de l’aristocrate dont je vous parlais, a beaucoup de chance. D’abord, lorsqu’il a lancé son bon d’État, notre ministre des Finances espérait en retirer un milliard d’euros maximum. Au final, il a récolté 22 fois plus d’argent que dans son rêve le plus fou. Et là, en plus, le Conseil d’État lui donne un blanc-seing sur le plan fiscal.
Et qu’est-ce que si passe dans ces cas-là, oui, vous l’avez deviné, on prend de l’assurance, et devinez quoi, tous les politiques espèrent qu’un nouveau bon d’État sera lancé avant la fin de l’année, et sans doute un troisième avant juin 2024. Le discours en creux de la Vivaldi était et sera, « grâce à nous, les politiques, votre épargne est mieux rémunérée qu’avec ces banquiers qui affichent des profits records, mais refusent de bien rémunérer les comptes d’épargne des Belges ».
Les banquiers vont devoir mieux communiquer auprès de la population, car avec la diminution des agences, l’obligation de prendre rendez-vous pour parler à un humain, la réduction drastique du nombre de distributeurs de billets de banque et la segmentation des clients, autrement dit, les clients riches ont encore un service et les autres moins nantis doivent se contenter du service minimal, les politiques ont compris qu’il y avait un bouc émissaire, un ennemi de confort et très facile à charger.
Mais attention à ce jeu médiatique : il faudrait juste éviter le coup de pied de l’âne, car déstabiliser trop les banques belges, c’est prendre le risque de faire payer demain au client ce qu’il croit gagner aujourd’hui (via la hausse d’autres produits comme des prêts hypothécaires). Autrement dit, c’est bien de faire allégeance à l’empire du Bon, du Bien et du Juste, mais ce coup médiatique du bon d’Etat doit éviter de se faire au détriment des citoyens.
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