Amid Faljaoui
Supprimer la taxe sur la mort ? Bonne idée, mais…
Quelles sont les implications et les défis de la suppression des droits de succession en Wallonie ? Analyse d’une réforme audacieuse.
Dans la vie, il n’y a que deux certitudes : les impôts et la mort. Cette phrase attribuée à Benjamin Franklin n’a pas pris une ride au fil du temps. Mais voilà, les deux partis francophones qui ont gagné les élections, le MR et Les Engagés, veulent faire mentir cette vieille certitude. Ces deux partis se sont donc engagés à supprimer les droits de succession en Wallonie.
Or, on sait que cette taxe sur la mort rapporte 800 millions d’euros. Comment va-t-on faire pour remplacer ce manque à gagner ? Si le MR et Les Engagés proposent de supprimer effectivement les droits de succession, ils les remplacent par une seule taxe de 4 à 5 % sur toute transmission de capital. Le pari de ces deux partis est donc assez simple : actuellement, comme les droits de succession sont élevés, énormément de personnes y échappent en faisant un peu de gymnastique fiscale. Et donc, en imposant une seule taxe de l’ordre de 4 à 5 %, ils parient qu’il y aura plus de personnes qui seront assujetties à ce nouvel impôt simplifié. Le MR et Les Engagés reconnaissent tout de même que 40 % de la population serait à l’abri de cet impôt via l’abattement sur les premiers 100 000 euros transmis. Voilà pour les données. Mais comme dirait un humoriste célèbre, « c’est dommage que toutes les personnes qui savent comment diriger un pays soient occupées à conduire un taxi ou à couper les cheveux ». Et donc, je vais moi aussi essayer de faire un commentaire documenté.
Primo, c’est le genre de proposition qui plaît au public mais dont on n’imagine pas toujours les conséquences. Il est gentil de vouloir remplacer des droits de succession par une taxe sur le capital, sauf que le MR et Les Engagés ont oublié de dire que cette taxe relève des compétences du fédéral et non du régional. Autant dire qu’il faudra convaincre les Flamands et les autres partenaires, ce qui ne sera pas une promenade de santé. De cette pierre d’achoppement, personne ne parle.
Secundo, ce genre de changement fiscal peut induire des changements de comportements de la population. Aujourd’hui, comme les droits de succession sont très élevés, nous sommes tous incités à faire des donations de notre vivant à un tarif plus avantageux, histoire de voir nos enfants ou petits-enfants en profiter de notre vivant. Mais demain, s’il y a une certitude qu’il n’y aura plus d’impôt sur la mort, à part cette petite taxe de 4 à 5 %, il y a des chances que ceux et celles qui donnaient de leur vivant ne le fassent plus. Qu’ils attendent le dernier moment pour transmettre leur héritage. La circulation du patrimoine risque donc d’être ralentie.
Enfin, il a aussi un aspect philosophique. Le MR, par exemple, parle beaucoup de la méritocratie et insiste sur le fait d’avantager ceux et celles qui travaillent contre ceux et celles qui ne travaillent pas. Mais en supprimant les droits de succession et en les remplaçant par une modeste taxe de 4 à 5 % qui, en plus, n’est pas progressive selon la taille du patrimoine, le MR n’est-il pas en train d’attaquer, comme le faisait remarquer l’économiste David Mendez Yepez dans une tribune libre, le discours méritocratique qu’il promeut lui-même ? N’est-il pas contradictoire de promouvoir fiscalement ceux et celles qui vont vivre de leur rente d’héritier ?
Pour ma part, j’ai une idée pour réduire les impôts : il suffirait d’organiser une élection chaque année. Car comme on peut le constater, à chaque élection, il n’y a jamais d’augmentation d’impôts !
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