Eddy Caekelberghs

S’en prendre aux pays qui aident Moscou: “on touche à une corde géopolitique sensible”

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

S’en prendre aux pays qui “aident” la Russie en fournissant des composants “sensibles” pourrait dangereusement nous amener à devoir s’en prendre à bien plus imposant: la Chine!  

L’Europe veut s’en prendre aux pays qui aident directement ou indirectement Moscou à contourner les sanctions! Et là, soulignent plusieurs diplomates, “on touche à une corde géopolitique sensible”. D’abord, parce que l’histoire réelle (pas celle réécrite par les vainqueurs du nazisme au titre desquels les Russes! ) nous enseigne qu’au cœur même de la Deuxième Guerre mondiale, des Alliés commercèrent avec l’Allemagne de Hitler!

Ainsi à Paris, des banques américaines, suisses, britanniques et néerlandaises continuaient à faire affaire avec les nazis en violation des “lois, ordonnances américaines réprimant le commerce avec l’ennemi”. Faits cités par Fabrizio Calvi et Marc Jean Masurovsky dans Le Festin du Reich, publié chez Fayard en 2006…

Rappelons que l’Union Bank, dirigée par l’Américain Prescott Bush, a financé Thyssen, le géant de l’acier allemand, et permis l’accès d’Hitler au pouvoir tout en armant le IIIe Reich. Il est évident que le business dans le pétrole de George W. Bush, le petit-fils de Prescott, n’aurait jamais pu avoir lieu sans la fortune colossale accumulée par le grand-père.

Et n’oublions pas que le biais de la “punition au contournement du blocus” est une arme à double tranchant. Punira-t-on l’Allemagne (voire l’Union tout entière) pour avoir soumis l’économie européenne au pétrole et au gaz russes au point que nous ayons clairement financé la guerre de Poutine (et sa poursuite) depuis plus d’un an?

Il y a enfin, au cœur du dispositif envisagé, un autre risque majeur que l’on ne peut prendre à la légère. Si l’on sanctionne les pays “collaborant” avec Moscou pour contourner les sanctions, il ne s’agira pas de s’en prendre “seulement” à l’Arménie ou au Kazakhstan. Certes, les exportations vers ces pays de frigos, tire-laits et autres machines à laver ont grimpé en flèche, et ces mêmes produits sont ensuite transférés à la Russie qui recycle leurs composants électroniques pour son armée. Mais s’en prendre aux pays qui “aident” la Russie en fournissant des composants “sensibles” pourrait dangereusement nous amener à devoir s’en prendre à bien plus imposant: la Chine!

Maria Shagina, experte en sanctions économiques à l’Institut international d’études stratégiques, affirme depuis février qu’il existe des preuves que la Chine est le plus grand exportateur de semi-conducteurs vers la Russie: “Souvent par le biais de sociétés écrans à Hong Kong et aux Emirats arabes unis. Certaines entreprises chinoises fournissent également des drones civils, exploitant la zone grise entre les objectifs militaires et civils”, dit-elle. Washington a déjà sanctionné une société chinoise qui, selon la Maison-Blanche, a fourni des images satellites pour soutenir les forces mercenaires russes combattant en Ukraine.

Allons-nous sanctionner la Chine, nous, les Européens tellement dépendants de ses produits?

De manière générale, le commerce global de la Chine avec la Russie a atteint le niveau record de 190 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 30% par rapport à l’année précédente. Les importations russes en provenance de la Chine ont augmenté de 13% pour atteindre 76 milliards de dollars et les exportations russes vers la Chine ont augmenté de 43% pour atteindre 114 milliards de dollars. Alors que le commerce de la Russie avec les pays occidentaux a plongé en 2022, la Chine est devenue, de loin, son principal partenaire commercial.

Allons-nous sanctionner la Chine, nous, les Européens si friands de ce grand marché et tellement dépendants de ses produits? Avant de s’en prendre aux géants chinois et indiens, il nous faudra bien relire l’histoire des mythes. Dont celui du tendon d’Achille…

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