L’’innumérisme”, l’illettrisme des chiffres, progresse à la vitesse grand V.
Et si le vrai danger de l’intelligence artificielle, ce n’était pas qu’elle écrive nos mails, mais qu’elle détruise en silence notre capacité à raisonner ?
C’est la thèse, brillante et inquiétante, défendue dans un article du New York Times signé Leif Weatherby, professeur à NYU. Son titre donne le ton : “L’IA a tué le cerveau mathématique”.
On s’attendait à ce que l’IA menace d’abord les écrivains, les journalistes, les auteurs. Mais en réalité, elle frappe plus vite et plus fort ailleurs : dans le monde du code, des chiffres, des raisonnements chiffrés. Et les dégâts sont déjà visibles.
Il raconte le cas d’un étudiant qui, autrefois, savait écrire un script pour analyser des données de laboratoire. Aujourd’hui, il balance son fichier dans ChatGPT, lui demande d’en faire l’analyse… et oublie progressivement comment coder. Et c’est ça le vrai danger : on n’apprend plus, on délègue — et on désapprend.
Bienvenue dans l’ère du “vibecoding” : on parle à une IA, elle écrit le code, et on ne cherche même plus à comprendre comment ça marche. Le problème ? Le code est souvent inefficace, rempli d’erreurs, et ceux qui l’utilisent ne sont plus capables de le corriger.
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Pendant ce temps, selon le New York Times, 25 % du code de Google est déjà généré par IA. Microsoft fait de même. Et dans les deux cas, les recrutements de développeurs juniors s’effondrent. Le pipeline formation direction l’emploi est en train de se fissurer.
L’innumérisme”, l’illettrisme des chiffres
Ce n’est pas juste un enjeu pour les informaticiens. C’est une alerte pour tous. Nous entrons dans un monde où l’analphabétisme numérique devient la norme. Et il ne s’agit pas seulement de ne pas “savoir coder”. Mais aussi de ne plus savoir raisonner, extraire une tendance, analyser une moyenne, ou même comprendre les limites d’un outil.
C’est ce qu’on appelle “l’innumérisme”. Autrement dit, l’illettrisme des chiffres. Et il progresse à la vitesse grand V.
Alors que faire ? La réponse, presque contre-intuitive, est simple : remettre les fondamentaux au cœur de la formation. Pas apprendre Python à tout prix. Mais maîtriser les langues et les mathématiques, profondément. Parce qu’un chatbot, au fond, c’est un moteur mathématique qui parle. Et pour dialoguer intelligemment avec lui, il faut comprendre les deux langages : celui des mots, et celui des nombres.
Dans un monde qui s’automatise, la compétence rare ne sera plus technique, mais humaine : celle de savoir lire, compter, interpréter, et poser les bonnes questions.
Et ça, aucune IA ne le fera à votre place.