Eddy Caekelberghs

Russie, l’empire mafieux hérité du communisme

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Ce qu’il faut aussi mesurer, c’est l’ampleur du phénomène des milices privées qui sévissent en Russie, aux quatre coins de la Fédération.

Pendant que les uns se demandent si Evgueni Prigojine est bien mort dans le crash de son avion (même si les autorités russes ont confirmé son décès via une expertise ADN), se souviennent d’une “autre” mort de Prigojine dans un crash en Afrique et expliquent que comme Poutine il fait appel à des sosies, d’autres se demandent ce que cela révèle de l’Etat profond.

Ce qu’en Italie nous aurions appelé forcément “Etat mafieux” et en Amérique latine, à une époque, “Etat corrompu et mercenaire”, est bel et bien une réalité russe depuis la chute de l’Union soviétique. Et probablement déjà avant sa chute en décembre 1991.

La corruption des élites avides de pouvoir, d’argent et de signes extérieurs de richesses voire de fortunes détournées n’était pas une inconnue du régime communiste. Ni en URSS ni dans ses pays satellites. Mais tout cela a atteint des sommets juste après l’“abdication” de Mikhaïl Gorbatchev et l’avènement de Boris Eltsine comme président d’une Fédération de Russie qu’il a démantelée par appartements.

Incapable de garantir seul sa pérennité voire sa légitimité, le nouveau maître du Kremlin de l’époque, ancien hiérarque communiste, décida à l’époque (et le proclama! ) de “les” acheter. “Les”? Les chefs de clans mafieux en devenir, qu’il fit “nouveaux riches”, leur cédant sans sourciller des pans entiers des richesses et des services publics du pays. C’est l’origine des fameux oligarques qui font encore la une aujourd’hui. Même si Poutine en a mis au pas, en prison ou dans la tombe!

Vladimir Poutine devait se débarrasser de ceux qui menacent son pouvoir en Russie, mais aussi à l’extérieur.

Eltsine, puis Poutine, a dès lors gouverné comme un “capo di tutti capi”, le boss des clans, avant que la guerre des chefs ne mue une part importante de ces oligarques en rivaux du pouvoir. Ce que fit en quelque sorte Prigojine, défiant son ancien suzerain.

En plus du sentiment de vengeance qui l’habitait certainement après avoir été bafoué, Vladimir Poutine devait se débarrasser de ceux qui menacent son pouvoir direct. En Russie mais aussi, voire surtout, à l’extérieur, sur le terrain africain dont il cherche plus que jamais les faveurs et les richesses de tous ordres, alors que les sanctions occidentales pèsent sur son économie, que les oligarques peinent à vouloir rapatrier leurs avoirs pour soutenir la monnaie et que les Chinois prennent le leadership au sein de ces Brics, ces nouveaux “non-alignés” dont longtemps la Russie s’est pensée cheffe de file!

Mais ce qu’il faut aussi mesurer, c’est l’ampleur du phénomène des milices privées qui sévissent en Russie, aux quatre coins de la Fédération. On connaît le très médiatique groupe Wagner. Mais il faut savoir que ces services “de sécurité” privés (le mercenariat étant officiellement interdit en Russie) naissent comme les perles de rosée les matins de printemps. Il s’agit à chaque fois d’anciens chiens de guerre des troupes officielles russes qui quittent l’armée du régime et créent leur milice pour s’enrichir à travers un service privé où pillage et rapine sont monnaie courante.

Le groupe Wagner a d’ailleurs lui-même déjà ses propres transfuges qui vont en créer d’autres! On cite de nouveaux noms: Convoy et Redut! Selon le think tank américain Institute for the Study of War, on y retrouverait Andreï Trochev, un ancien “cadre” de Wagner et proche de Evgueni Prigojine.

Mais ce qui est très révélateur, bien que peu commenté, de la déglingue mafieuse du régime russe, c’est que le très critiqué (et peu efficace) ministre de la Défense Sergueï Choïgou a, lui-même, sa propre milice privée, légalisée, dénommée PMC Patriot! L’empire est milicé… et mafieux!

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