Eddy Caekelberghs
Macron joue à la roulette russe
Vous souvient-il de cette phrase attribuée à Winston Churchill commentant l’entrevue entre Daladier, Chamberlain et Hitler à Munich : “Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre”. Vraie ou apocryphe, cette réflexion porte à méditer en France macroniste.
Le président français avait plusieurs choix face aux 37% du Rassemblement national : soit il faisait le choix de la dissolution immédiate, soit il attendait les premiers blocages aux Chambres – sans doute à l’automne –, soit il tentait la guerre-éclair. Soit il passait trois mois à blinder troupes et alliances pour se préparer à la campagne d’automne, soit il tentait le coup de bluff en espérant Austerlitz ou Marengo.
Mais Jupiter Macron a préféré le football panique avec un petit groupe d’experts, opaque, sans même y mêler (sinon en “extrême” bout de course) son Premier ministre et les présidents des assemblées. C’est médiocre. Et peu tactique. Parce que pour entamer une guerre – a fortiori éclair ! – il faut un état-major en ordre de marche et non une équipe fantôme. Or la macronie est à l’agonie. Macron aurait pu (s’)appuyer sur son ancien Premier ministre, Edouard Philippe, mais lui a-t-il jamais pardonné d’avoir caracolé en tête des sondages, devant le père des dieux, au cours du premier mandat ? A l’instar d’un Napoléon fatigué à Waterloo, selon le mot de Victor Hugo, il pensera voir arriver Grouchy et découvrira Blücher… Et à défaut d’Austerlitz, il risque la Bérézina !
D’autant que l’olympien président a trois ans pour sa succession. S’y prépare-t-il ? Avec qui ? Quelle France à ses côtés ? Quelle France au cœur de l’Europe ? Trois ans pour miner la pente et chercher à retrouver le tempo démocratique. Trois ans pour descendre de l’Olympe et comprendre la colère et le découragement des Françaises et des Français. Trois ans pour évaluer les erreurs commises, les gilets jaunes méprisés, les promesses non tenues. Trois ans pour traverser à son tour la rue et découvrir qu’il n’y a pas de job à trouver facilement. Trois ans pour arrêter de toiser le soleil en égal d’un roi, trois ans pour descendre du piédestal et cesser la morgue française qui voudrait régenter le monde sans pouvoir délivrer le bien-être au pays.
Emmanuel Macron s’est piégé tout seul en provoquant la dissolution. Il a piégé les démocrates.
Cela dit, la cohabitation ne vaudra que si le RN obtient la majorité absolue à l’Assemblée et non une majorité relative qui lui barrerait toute coalition républicaine. Les partis de la démocratie doivent donc emporter au moins 289 sièges pour faire barrage à Bardella. Ce sera dur ! Il avait ces alternatives et au lieu de ça, son choix porte le risque churchillien d’avoir et la cohabitation et la succession, dès maintenant !
Si Emmanuel Macron estime que la France est ingouvernable et qu’il ne peut pas gouverner avec une simple majorité relative du RN, sans toutefois trouver de chemin alternatif avec les députés du bloc central, le chef de l’Etat pourrait être amené à faire le choix de démissionner. Emmanuel Macron a néanmoins affirmé qu’il l’excluait par avance, mais on se souvient qu’il avait tenu des propos comparables en mai dernier lorsqu’on lui demandait s’il pourrait finalement dissoudre l’Assemblée nationale en cas de déroute aux élections européennes. La suite nous a prouvé le contraire.
Emmanuel Macron s’est piégé tout seul en provoquant la dissolution. Il a piégé les démocrates. Toutes les conséquences éventuelles que cette dissolution pourrait avoir seront donc de sa responsabilité et de son ressort. Et du ressort de ceux qui préfèreront aller à la pêche ou voter noir plutôt que de respecter Marianne !
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