Typhanie Afschrift

Retour d’un service militaire ou civil: ce que veulent les politiques, c’est imposer la contrainte pour la contrainte

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

On reparle d’imposer à nouveau un service aux jeunes, tantôt militaire, tantôt national. En réalité, ce que veulent tous ces politiques, c’est imposer la contrainte pour la contrainte.

L’idée refait son chemin. On reparle d’imposer à nouveau un service aux jeunes, tantôt militaire, tantôt national. On a l’impression qu’il s’agit surtout d’enrégimenter. L’idée a été exprimée par un chef d’état-major qui aurait sans doute mieux fait de se souvenir que l’armée est la “grande muette” et que ses chefs ne sont pas censés prendre des positions publiques sur des sujets politiques. Parce qu’imposer à des jeunes des mois de soumission sous les armes, c’est bien sûr une très grave entrave à la liberté, et donc un sujet politique.

Il y a bien sûr d’autres partisans du service national que les militaires eux-mêmes. On sent que, surtout à droite, on continue à aimer la “nation” et on a même récemment vu un président de parti plastronner en tenue d’officier. Les vieilles idées sont difficiles à éliminer quand on croit encore que l’autorité est une valeur… Cette adoration de l’armée est plus rare à gauche mais on y aime aussi beaucoup l’Etat. Et l’idée d’imposer un service, peut-être un peu moins militaire, pour asseoir la puissance de l’Etat y trouve aussi de plus en plus d’adeptes.

Les vieilles idées sont difficiles à éliminer quand on croit encore que l’autorité est une valeur…

En France, on voit le président Macron, très impopulaire, essayer d’imposer petit à petit un service universel, parfaitement symbolique, de 84 heures. Au moins cette mini-formule n’empêchera-t-elle pas les jeunes de travailler ou d’étudier. Mais ce sera une bonne manière de leur inculquer par la contrainte des valeurs archaïques, les drapeaux, les uniformes, l’idée de soumission à la nation ou à la république, pour écraser encore un peu plus l’individu dans un pays où l’Etat est déjà omniprésent dans tous les domaines de la vie des citoyens.

Ce qui est commun à toutes les options proposées, c’est qu’il n’y a jamais aucun objectif réel. On veut obliger les jeunes à “servir”. On sait bien que des conscrits sans expérience et sans connaissance des armes sophistiquées d’aujourd’hui ne serviront à rien sur le plan militaire. On ne va quand même pas partager les options des généraux de Poutine, qui envoient sciemment au front des jeunes sans formation et sans expérience se faire tuer en grand nombre. Aujourd’hui, les armées modernes sont composées de techniciens très spécialisés et plus de “chair à canon”, cette horrible expression d’antan.

Quant à ceux qui souhaitent plutôt imposer “d’autres services”, on attend toujours qu’ils proposent quelque chose de concret. Il est tout de même étrange que l’on pense à imposer une période, courte ou longue, de contraintes à des jeunes sans même savoir à quoi cela va servir: faire travailler les gens sans salaire ou pour une solde de misère, sans même chercher à savoir ce qu’ils pourraient apporter de concret.

La suppression du service militaire en 1994 était l’une des rares conquêtes récentes de ceux qui veulent plus de liberté.

En réalité, ce que veulent tous ces politiques, c’est imposer la contrainte pour la contrainte. C’est enrégimenter, obliger à agir, non pas pour le peuple ou la nation, mais pour l’Etat, présenté abusivement comme le représentant de l’un ou de l’autre. Certains d’ailleurs n’en font pas mystère: ils veulent imposer des valeurs que les jeunes, dans leur majorité, ne partagent pas, qu’ils soient issus de l’immigration ou qu’ils préfèrent décidément la famille et le travail à la prétendue “patrie” chère à Pétain.

La suppression du service militaire en 1994 était l’une des rares conquêtes récentes de ceux qui veulent plus de liberté. C’est sans doute un signe des temps que de voir qu’aujourd’hui, dans des pays de plus en plus étatisés, soumis à de multiples lois liberticides dans tous les domaines, on s’en prenne aussi à cette conquête-là.

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