Amid Faljaoui

Rachat de Warner par Netflix : vos soirées valent de l’or

Imaginez que votre attention est une batterie. Chaque soir, vous avez une quantité limitée de minutes disponibles. Aujourd’hui, la vraie guerre des géants du streaming n’est pas une guerre de films ni une guerre de stars. C’est une guerre pour capter cette batterie, pour devenir votre réflexe dans cette économie de l’attention.

Netflix l’a compris mieux que tout le monde. Son métier, au fond, est simple : au moment où vous ouvrez votre écran et où vous hésitez, Netflix veut être le choix par défaut. Pas forcément le programme le plus “cultivé”. Mais le programme le plus évident. Celui qui vous fait rester abonné, mois après mois. Et voilà pourquoi l’affaire Warner est devenue explosive.

Warner Bros. Discovery, c’est un immense coffre à histoires. Des univers que tout le monde reconnaît immédiatement : Harry Potter, Batman, Superman, et les grandes séries HBO. Ce sont des marques qui attirent, qui rassurent, qui font parler. Dans la bataille de l’attention, ce n’est pas un détail : c’est du carburant premium.

Il y a quelques jours, Netflix annonce un accord : il veut racheter une grande partie de Warner, pour environ 83 milliards de dollars. Traduction simple : Netflix ne veut plus être seulement une vitrine mondiale où l’on choisit des films et des séries. Il veut aussi posséder une usine à fabriquer ces histoires, et surtout les franchises les plus puissantes. La logique est très “business” : plus vous avez de contenus irremplaçables, plus vous gardez vos abonnés, plus vous devenez incontournable. Mais à peine cet accord annoncé… coup de théâtre : Paramount Skydance arrive avec une contre-offre hostile beaucoup plus élevée, autour de 108 milliards de dollars. Et là, on voit la guerre de l’attention en version brute.

Netflix voulait surtout les bijoux : le studio, les franchises, HBO Max. Il ne voulait pas vraiment des chaînes télé câblées en déclin, comme CNN ou TNT. Paramount dit au contraire : “Nous, nous prenons tout.” Pourquoi ? Parce que dans une bataille, on peut gagner de deux façons : devenir le plus fort… ou empêcher l’autre de devenir trop fort. Paramount veut éviter que Netflix devienne un géant quasi intouchable, avec à la fois la vitrine mondiale et le coffre-fort des meilleures histoires.

Pour visualiser, imaginez deux joueurs. L’un a déjà la plus grande plateforme et la plus grande communauté. S’il rachète en plus le studio qui fabrique les franchises les plus désirées, les autres jouent presque mécaniquement en deuxième division. C’est exactement cette crainte. Il y a aussi un deuxième enjeu, plus discret, mais décisif : les règles du jeu. Quand Netflix devient trop puissant, les autorités peuvent dire : “Stop, trop de concentration.” C’est le sujet de l’antitrust : est-ce qu’une entreprise peut devenir dominante au point d’étouffer la concurrence ? Paramount le sait et suggère, en substance : “Notre offre posera moins de problèmes, parce que nous sommes moins puissants que Netflix dans le streaming.” C’est une façon de dire : “Nous passerons plus facilement le contrôle.”

Enfin, il y a une inquiétude très concrète : les salles de cinéma. Netflix gagne quand vous regardez chez vous. Donc certains se demandent : Netflix a-t-il vraiment intérêt à défendre la sortie en salle ? Netflix promet que oui, mais la question reste simple : quand votre modèle, c’est l’abonnement, vous avez toujours une tentation… ramener les nouveautés sur votre plateforme le plus vite possible.

Au fond, oubliez les noms, retenez l’essentiel : l’attention est devenue l’or du XXIᵉ siècle. Et dans cette ruée vers l’or, les géants ne rachètent pas seulement des studios. Ils rachètent des réflexes. Ils veulent que, chaque soir, sans même y penser, vous leur donniez votre batterie.

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