Une chronique d’Amid Faljaoui, directeur de Trends-Tendances.
Oui, c’est une histoire vraie. Et elle vient tout juste d’être révélée par mes confrères de L’Echo. Au printemps dernier, Xavier Niel, le fondateur de Free, a proposé à l’État belge un “partenariat stratégique” pour redresser Proximus. Un plan ambitieux : accélérer la fibre, muscler la 5G, rationaliser les coûts. Mais un plan… un peu trop beau pour être vrai.
La raison ? Xavier Niel n’est pas un inconnu dans le capital de Proximus : il en détient déjà 6 %. Et sa proposition, en réalité, consistait à piloter l’entreprise sans détenir la majorité. En clair : il voulait obtenir le pouvoir sans la facture.
Comment ? En promettant à la SFPIM (le bras financier de l’État) de rester actionnaire majoritaire, mais en lui imposant un pacte d’actionnaires qui donnerait à Niel la main sur la direction. Le président serait choisi par l’État. Mais le CEO, lui, par Niel. Et tout cela accompagné d’une promesse magique : redistribuer 85 % du bénéfice net en dividendes. Séduisant sur le papier. Mais suicidaire dans la réalité.
Motif ? Proximus, c’est une entreprise qui doit investir des milliards d’euros dans ses réseaux. Distribuer autant d’argent aux actionnaires, c’est comme vider le réservoir avant de reprendre la route. Et quand Niel promettait aussi de “-“mutualiser les systèmes informatiques” de Proximus avec ceux de ses autres opérateurs qu’il possede ailleurs, ça sonnait bien… mais c’était du vent., du raisonnement de tableau Excell sans plus.
Pour la simple raison, uopérateur public, c’est un millefeuille technologique : vieux logiciels, contraintes locales, régulation belge. Bref, l’informatique de Proximus, c’est un Mikado. Impossible de tout aligner comme ça, par simple copier-coller informatique.
Mais le plus surprenant dans cette histoire, c’est qui a porté ce plan au gouvernement. Pas un lobbyiste français. Non, un député… N-VA. Michael Freilich. Oui, un élu d’un parti nationaliste flamand, farouche défenseur de la souveraineté économique (flamande surtout), qui sert d’intermédiaire à un investisseur… français. Ça paraît incohérent ? Pas tant que ça.
Non, car la N-VA, ce n’est pas qu’un parti souverainiste et séparatiste. C’est aussi un parti de chefs d’entreprise, très libéral sur le plan économique. Et Freilich incarne ce courant-là : pour lui, peu importe la nationalité du partenaire, du moment qu’il apporte de la rigueur et du rendement. Résultat : le gouvernement a étudié le plan, puis refermé le dossier. Officiellement, au nom de la prudence. Officieusement, parce que le projet était bancal.
Et pendant que tout le monde débattait, Proximus s’est redressée sans Xavier Niel. Le cours de l’action a bondi de plus de 50 % depuis le début de l’année. Et un nouveau CEO, Stijn Bijnens, a pris ses fonctions en septembre. Un profil flamand, rigoureux, très apprécié du monde économique. Lui n’a pas fait de promesses miracles : il fait le boulot, tout simplement et en toute discrétion. Moralité ?
Xavier Niel a levé un lièvre. Mais c’est peut-être grâce à lui qu’on a enfin regardé ce qui se passait dans le terrier.