Amid Faljaoui

Quand Rome fouille dans les tiroirs : l’or des familles pour sauver le budget

Une chronique d’Amid Faljaoui.

C’est une information assez spectaculaire révélée par le Financial Times. Le gouvernement de Giorgia Meloni cherche de l’argent pour boucler son budget… et il regarde désormais du côté de l’or que les Italiens gardent chez eux. Pas l’or des banques, non : celui des tiroirs, des boîtes à bijoux, des héritages familiaux.

L’idée est simple : des députés de la majorité proposent que les particuliers qui détiennent de l’or “non documenté” – c’est-à-dire sans facture, sans preuve d’achat – puissent le déclarer, le faire expertiser, et payer une taxe de 12,5 % sur sa valeur. En échange, ils recevraient un certificat leur permettant, plus tard, de revendre cet or légalement en ne payant l’impôt que sur la plus-value réelle.

Sur le papier, cela pourrait rapporter jusqu’à deux milliards d’euros. Deux milliards, juste en ouvrant les coffrets à bijoux du pays. Mais, selon le Financial Times, même au sein du ministère italien des Finances, on n’y croit pas vraiment. Le chiffre est jugé trop optimiste, trop théorique. Et pour une raison très simple : l’or vaut aujourd’hui plus de 4.000 dollars l’once. Un record. À ce niveau, les familles n’ont aucune envie de déclarer un actif qu’elles considèrent comme leur réserve ultime, leur épargne “de crise”, héritée parfois de leurs grands-parents. Car l’Italie a un rapport unique à l’or. Pendant des décennies, le pays a connu l’inflation, les dévaluations successives de la lire, la méfiance envers les banques. Et donc, l’or est devenu un réflexe culturel : on en offre pour les naissances, les communions, les mariages.

On en garde “au cas où”. Ce n’est pas un investissement, c’est devenu au fil du temps… un parachute.

Et c’est précisément ce qui rend cette taxe politiquement explosive. L’opposition s’en donne à cœur joie. Gianmauro Dell’Olio, du Mouvement 5 Étoiles, résume la situation : “Personne ne va sortir la balance pour peser les colliers de leur grand-mère.” Message sous-jacent : si le gouvernement en arrive là, c’est qu’il ne sait plus où trouver des recettes.

Bien entendu, le contexte politique n’arrange rien. Dans la coalition au pouvoir, Forza Italia et la Ligue refusent plusieurs hausses d’impôts prévues dans le budget, notamment sur les locations touristiques de courte durée(Airbnb). Donc on cherche ailleurs. Et cet “ailleurs”, ce sont les bijoux de famille. Mais littéralement.

Autre problème : personne ne connaît réellement la quantité d’or détenue par les particuliers. C’est peu connu, mais l’Italie possède la troisième plus grande réserve nationale d’or au monde, mais pour l’or privé, c’est le trou noir complet. Impossible de savoir si la mesure concernerait quelques dizaines de tonnes… ou beaucoup plus.

Au final, ce projet raconte quelque chose de plus large. Les États européens sont à court de marges. Et la Belgique ne fait pas exception, hélas. Les déficits sont élevés, les taux d’intérêt ont grimpé, la croissance ralentit. Alors, on le voit bien avec cet exemple, les gouvernements commencent à explorer des pistes qu’ils n’auraient jamais envisagées il y a quelques années. L’impensable devient une option.

Quand un pays commence à regarder l’or des familles, ce n’est pas parce qu’il a découvert un filon. C’est parce qu’il a déjà épuisé toutes les autres veines budgétaires. Et c’est ce constat qui m’interpelle. Car l’Italie a mis en place un système fiscal très avantageux pour les grandes fortunes. D’ailleurs, l’Italie attire comme un aiman ces personnes fortunes de Londres, de Paris ou d’ailleurs. Avec comme résultat qu’une ville comme Milan connait une vitalité hors norme, la ville est devenue très hype grâce à l’arrivée de ces capitaux. Mais la question qu’on est en droit de se poser : si le gouvernement italien en est réduit à chercher l’or privé de ces citoyens pour le taxer, combien de temps cette niche fiscale pourra-t-elle durer ? J’ai comme qui dirait l’autre quelques doutes…

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