Une chronique d’Amid Faljaoui.
Les chiffres du Black Friday sont désormais connus : plus de 11 milliards de dollars dépensés en ligne aux États-Unis. Impressionnant, oui. Mais le vrai sujet, ce n’est pas le montant. C’est le geste. Ou plutôt… l’absence de geste. Parce qu’en 2025, acheter n’est plus forcément une action. C’est devenu une consigne. Avant, vous faisiez votre shopping comme un enquêteur : vous compariez, vous doutiez, vous ouvriez quinze onglets, vous lisiez des avis, vous changiez d’avis, vous reveniez en arrière. Le Black Friday, c’était aussi ça : une compétition d’attention, de patience, et parfois de fatigue.
Et maintenant ? Maintenant, selon l’analyse réalisée par Adobe, vous parlez à une intelligence artificielle. Vous lui dites : “Je veux de bonnes baskets pour courir. Budget 150 euros. Et je veux être livré avant vendredi.” Ou vous lui demandez : “Trouve-moi le meilleur ordinateur pour travailler, fiable, pas trop lourd.” Et puis, l’assistant IA fait le reste.
On a délégué les achats
C’est ça, la nouveauté de 2025 : on a délégué l’acte d’achat. On ne cherche plus, on dirige la recherche. Et ce changement-là est énorme, parce qu’il déplace le centre du pouvoir. Avant, le commerce devait séduire un humain. Aujourd’hui, il doit d’abord convaincre une machine. Or une machine ne se laisse pas hypnotiser par un slogan. Elle ne “tombe pas amoureuse” d’une marque. Elle lit. Elle compare. Elle calcule. Elle arbitre.
Donc première conséquence, très concrète pour les entreprises : si vos informations produits sont floues, mal organisées, contradictoires, ou difficiles à vérifier… l’IA vous écarte. Vous pouvez avoir le plus beau site du monde : si l’algorithme ne comprend pas ce que vous vendez, vous devenez invisible. Le marketing change de terrain : on passe de “faire rêver” à “être lisible”.
Deuxième conséquence : ça remet en cause la vieille religion du Black Friday, celle du “moins cher”. Parce qu’une IA ne compare pas seulement des prix. Elle compare de la valeur. Exemple parmi d’autres : vous demandez à votre assistant IA d’acheter un smartphone. Il ne regarde pas uniquement l’étiquette. Il va regarder la qualité de l’appareil photo, l’autonomie, la garantie, la robustesse, la réputation du service après-vente, la durée des mises à jour… Bref, il fait ce que presque personne n’a le temps de faire sérieusement. C’est comme avoir un expert un peu froid, mais redoutablement méthodique, dans la poche.
Résultat : des produits plus chers peuvent gagner notre attention, parce que l’IA peut justifier la différence de prix : “Celui-ci coûte plus, mais il dure plus longtemps, il tombe moins en panne, et il vous évite des ennuis.” On entre dans une économie où la qualité redevient un argument… parce qu’elle devient démontrable.
Des achats boostés à l’IA
Troisième conséquence, et là ça pique : la logistique devient un argument marketing majeur. Avant, on parlait fidélité avec des cartes, des points, des promos, des clubs. Aujourd’hui, l’IA s’en fiche. Elle se pose une question simple : “Est-ce que ça va bien se passer ?” Est-ce que le stock est réel ? Est-ce que le délai est respecté ? Est-ce que la livraison est fiable ? Est-ce que le retour est simple ? Est-ce que le service client répond ? Si une entreprise a la réputation d’être lente, confuse, ou compliquée, l’IA le détecte via les avis, les signaux, les conditions affichées… et elle ne prend pas le risque de vous l’imposer. Et ça veut dire une chose très forte : vos entrepôts, vos procédures de retour, votre service après-vente, votre gestion des stocks… deviennent vos meilleurs commerciaux. Parce que c’est la fiabilité qui devient “vendable” aux machines.
Donc, si on résume, le Black Friday 2025 nous raconte une histoire simple : on n’achète plus seulement avec nos yeux et nos impulsions. On achète avec une intelligence déléguée (IA), qui privilégie la clarté, la preuve, et la certitude.
Et la question pour 2026, pour chaque commerçant, chaque marque, chaque PME, elle est presque brutale : est-ce que mon entreprise est suffisamment fiable et transparente pour être recommandée par une IA ? Parce que le futur du commerce ne se jouera pas uniquement avec des publicités. Il se jouera avec des données propres… et une exécution (logistique) impeccable. Et ça, c’est une révolution silencieuse. Mais c’est bien une révolution.