Pourquoi la police ne peut-elle payer ses factures?

Le nombre de personnes dont le simple citoyen doit craindre les pouvoirs ne cesse de s’accroître et pratiquement plus personne ne peut être certain d’avoir respecté toutes les règles qui pèsent sur lui. © BelgaImage
Typhanie Afschrift
Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Plutôt que d’augmenter encore le nombre d’agents ou les budgets, on pourrait se demander s’il ne faudrait pas plutôt alléger les tâches de la police.

Il est quand même étrange de voir la police annoncer qu’elle a pour plusieurs dizaines de millions de factures en souffrance. En général, personne ne se vante d’être un mauvais débiteur. Et dans la vie normale, on plaint les créanciers impayés plutôt que le débiteur indélicat. Mais la situation de la police, comme de la plupart des entités publiques, est différente de celle d’une entreprise.

Le rôle de la police est de constater les infractions et d’en retrouver les personnes responsables pour permettre au ministère public d’assurer leur poursuite. Les recettes que perçoit la police ne dépendent en rien du nombre de malfaiteurs retrouvés, ni du nombre de procès-verbaux, sauf d’une manière très marginale en matière de roulage. Il faut admettre qu’il ne s’agit pas vraiment d’une prime à l’efficacité. En d’autres termes, quelle que soit l’importance de son travail, la dotation dont bénéficieront la police fédérale et les polices locales est pratiquement inchangée.

Or, on compte de plus en plus sur la police pour assurer le respect de lois de plus en plus nombreuses. Aucun député au Parlement, lorsqu’il vote une loi avec des sanctions pénales, ne se préoccupe de la question de la viabilité du système. Chaque fois que l’on prévoit des sanctions pénales, c’est – hormis quelques exceptions où des pouvoirs de police sont accordés à des fonctionnaires d’autres administrations – une charge supplémentaire non rétribuée spécifiquement pour les services policiers.

La réalité est qu’avec 45.000 policiers, la Belgique est plutôt un Etat bien pourvu.

Aucune entreprise ne fonctionne comme cela et n’est capable de survivre avec des charges qui augmentent sans qu’il y ait la moindre possibilité d’augmenter les revenus. Les seules possibilités pour ne pas être en déficit permanent sont soit de mieux gérer les allocations de ressources (faire par exemple moins de contrôles routiers pour pouvoir poursuivre les dealers de drogue, ou inversement), soit décider de ne plus poursuivre certains types d’infractions (mais cela relève normalement des autorités judiciaires).

Quel que soit le choix que fera la police, elle sera critiquée par certains politiciens, notamment ceux qui ne cessent de réclamer à tout prix “la loi et l’ordre” et qui, au risque de créer un Etat policier, réclament sans cesse “meer blauw op straat” (plus de bleu dans la rue). La réalité est qu’avec 45.000 policiers, la Belgique est plutôt un Etat bien pourvu en agents, proportionnellement à la population. C’est nettement plus que les Etats-Unis ou la Chine.

Cela n’empêche qu’avec un cadre plus ou moins constant et pas toujours rempli, on attribue au même corps des fonctions de plus en plus importantes parce qu’on multiplie les législations et qu’on manque d’imagination pour prévoir autre chose que des sanctions pénales. On ne peut non plus étendre indéfiniment la fonction policière si l’on veut conserver un Etat plus ou moins libre. Plutôt que d’augmenter encore le nombre d’agents ou les budgets, on pourrait se demander si, pour répondre aux légitimes revendications, il ne faudrait pas plutôt alléger les tâches de la police.

Le problème doit donc trouver sa solution au niveau politique, tant exécutif que législatif: il faudrait d’une part cesser de toujours interdire davantage de choses sous peine de sanctions et, d’autre part, entamer un sérieux nettoyage de notre législation bourrée de dispositions à portée pénale qu’en théorie les services de police devraient faire appliquer. Ne vaudrait-il pas mieux poursuivre réellement ce qui doit l’être plutôt que d’obliger les policiers à s’épuiser pour des lois que presque plus personne ne comprend? La réponse à leurs justes revendications tient en un mot: libéralisation.

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