Amid Faljaoui

Mark Rutte, VRP de luxe ou larbin stratégique de Trump ?

C’est un message comme on n’en lit plus que dans les romans de cour : “Donald, tu es en train d’obtenir ce qu’aucun président américain n’a réussi à faire depuis des décennies. L’Europe va payer. En grand. Et ce sera ta victoire.” Message signé : Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN.

Oui, oui, l’ancien Premier ministre néerlandais. Celui qu’on appelait “Teflon Mark” pour sa capacité à tout faire glisser. Là, il ne glisse plus. Il se prosterne. Et notre ami Trump ? Évidemment, il publie fièrement le message sur son réseau malgré son côté privé. Parce qu’on ne boude pas une telle déclaration d’amour.

Mais attendez, qu’est-ce qu’on célèbre au juste ? Une avancée stratégique majeure ? Euh, non, pas vraiment. On célèbre… une promesse. Celle que l’Europe va consacrer 5 % de son PIB à la défense.

Cinq pour cent. C’est énorme. Et c’est totalement irréaliste.

Déjà, aucun pays ne va sortir le carnet de chèques demain matin. Le plan s’étale jusqu’en 2035. Autrement dit : au-delà de la présidence Trump. Ceci n’est pas un engagement, c’est un “après-moi le flou”.

Et comme pour illustrer parfaitement cette mise en scène, la Belgique vient d’en faire la démonstration. Pas plus tard que ce mardi, le gouvernement fédéral a décidé qu’il viserait 2 % du PIB d’ici 2033, et seulement 2,5 % en 2034. Très loin des 5 % exigés par Trump. Et malgré la pression de la N-VA, aucun partenaire de l’actuelle coalition n’a voulu aller plus loin. C’est donc acté : même en pleine semaine de sommet, la réalité budgétaire reprend le dessus. Voilà notre moment Magritte et voilà ce que valent les promesses à la Rutte.

Ensuite, soyons honnêtes, personne ne sait vraiment d’où sort ce chiffre. Ni pourquoi 5 %, ni pourquoi maintenant. Il n’y a pas eu de guerre surprise. Pas de débarquement sur les plages belges ou françaises. Juste une injonction de Donald Trump. Et comme d’habitude : on s’exécute, on applaudit, et certains se prosternent. Et Teflon Rutte le premier.

Mais soyons sérieux une seconde.

L’Europe, c’est 450 millions d’habitants, un PIB collectif 20 fois supérieur à celui de la Russie. Si les Européens coordonnaient un minimum leurs armées, leurs budgets, leurs munitions, on n’aurait pas besoin de 5 % pour dissuader Moscou. Deux ou trois pour cent bien utilisés suffiraient. Mais encore faut-il penser en stratèges. Pas en fans de Trump.

Et pendant qu’on promet des milliards pour des chars, posez-vous une question toute simple : que reste-t-il des promesses de réinvestir dans la santé après le Covid ? Vous vous souvenez ? Les infirmières étaient devenues “essentielles”, les soignants étaient “nos héros du quotidien”, les hôpitaux étaient désormais “nos priorités”. Résultat ? Trois ans plus tard après COVID : budgets stagnants, services à l’agonie, et burn-out en série au sein du personnel soignant.

Et là, comme par miracle : pour faire plaisir à Washington, on trouve 5 % du PIB ?

Ce n’est plus de la politique, c’est de la magie. Et Mark Rutte, dans le rôle du prestidigitateur servile, fait des courbettes pendant que les opinions publiques dorment. Mais ça ne trompe personne. L’Espagne, elle, a eu le culot de dire non frontalement à l’inverse de la Belgique. Et d’autres capitales, en coulisses, demandent déjà des exceptions. Parce que tout le monde sait que ce chiffre de 5% est un fantasme. Mais on fait semblant, pour éviter les tweets de Trump. C’est ça, la ligne stratégique de l’OTAN aujourd’hui ?

Mais au fond, que nous dit cette mise en scène ? Qu’on préfère faire semblant d’obéir plutôt que de penser par nous-mêmes. Qu’on s’aligne sur un chiffre tombé du ciel, au lieu de construire une vraie vision stratégique européenne. Et qu’on laisse un secrétaire général de l’OTAN transformer une alliance militaire en fan club à géométrie variable.

Et pendant ce temps, la vraie question reste sans réponse : est-ce qu’on défend encore l’Europe… ou juste l’ego de celui qui hurle le plus fort ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content