Eddy Caekelberghs
“Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…” quand un discours antifasciste est censuré sur les chaînes publiques italienne
“Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…”, chantait Johnny Hallyday en 1966. Ceci pour vous partager mon inquiétude à la lumière du boycott d’Antonio Scurati sur les chaînes publiques italiennes il y a quelques jours.
Scurati, c’est l’auteur de “M, l’enfant du siècle” sur l’irrésistible ascension de Mussolini. Ce fasciste qui a entraîné l’Italie mais a séduit dans les années 1920 des cohortes de jeunes (et moins jeunes !) intellectuels européens et américains! Antonio Scurati a également publié un ouvrage sur la continuité entre fascisme historique et populisme contemporain, hélas non encore traduit.
Pour commémorer la libération de l’Italie, le 25 avril 1945, il devait lire à la RAI un texte dénonçant l’incapacité de la droite au pouvoir à se rallier au socle antifasciste de la République italienne. Son intervention a été purement et simplement annulée.
Que disait-il ? Qu’il avait fallu peu de temps pour qu’une terre de culture bascule. Que le 23 mars 1919, le groupuscule Faisceaux de combat est constitué à Milan par Benito Mussolini, qui n’est qu’un obscur journaliste et activiste. Et que, le 3 janvier 1925, désormais chef du gouvernement italien, le même Mussolini assume ses responsabilités dans l’enlèvement et l’assassinat d’un député qui s’est opposé à lui au Parlement. C’est le début du régime fasciste. Il a fallu seulement six ans à l’agitateur populiste sans scrupule pour devenir le dictateur charismatique qui fascine tout un peuple.
A-t-on vu un commissaire européen en charge de l’Etat de droit rappeler l’Italie et ses chaînes publiques au socle de nos droits fondamentaux européens ?
A l’heure où l’Amérique se débat avec la candidature de Trump, ça fait peur. Un sombre milliardaire aux connexions maffieuses, animateur d’un show aux accents délétères, décadents et populistes, accusé de complot contre la démocratie, risque de revenir au pouvoir. A l’heure où l’Ukraine a porté, avant-guerre, un showman à la tête du pays selon le scénario de sa série télé tellement appréciée des Russes, qui gagne les lauriers du héros en dansant sur un volcan de corruption dangereuse, passée au second plan de l’agression hideuse. A l’heure où en France, les Bleus Marine volent vers le succès. Où la Finlande comme l’Italie gouvernent à l’extrême droite de manière décomplexée.
A-t-on vu un commissaire européen en charge de l’Etat de droit rappeler l’Italie et ses chaînes publiques au socle de nos droits fondamentaux européens ? Au refus de la censure d’Etat ? Que nenni. Le commissaire est en congé de ses fonctions pour mener campagne pour devenir (peut-être) secrétaire général du Conseil de l’Europe, le garant des droits de la personne humaine en Europe ! On hallucine !
Beaucoup d’Européens ont envie d’Europe mais la jugent inefficace. Ah, ce reproche d’inefficacité au nom duquel on balayerait bien quelques libertés fondamentales pour être plus efficace, plus secure ! On frémit !
Et pendant ce temps en Espagne, un Premier ministre annonce par courrier se donner une période de réflexion de cinq jours sur sa possible démission, sa femme faisant l’objet d’une plainte venue d’extrême droite pour “délits présumés de trafic d’influence et de corruption”. Un temps de réflexion qui ne peut qu’être qualifié d’irresponsable. Si l’on songe au Portugal et à la démission du Premier ministre António Costa suite à des accusations de prise d’influence classées sans suite par le tribunal, mais qui ont néanmoins fait chuter son gouvernement progressiste qui disposait de la majorité absolue…
Un climat sombre et puant. Stavisky sort de ce corps ! Je conclurai – avec Johnny – en me forçant à y croire : Noir c’est noir; Il me reste l’espoir; Noir c’est noir; Il me reste l’espoir; Noir c’est noir; Il me reste l’espoir !
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