Amid Faljaoui
Négociations secrètes entre les USA et l’Arabie Saoudite : derrière la géopolitique, des questions de sous
Sauf à vivre dans une grotte, chacun sait que d’âpres négociations ont lieu en ce moment pour forcer le Hamas et Israël à accepter un cessez le feu et la libération des otages. Ce que l’on sait moins, c’est que, depuis deux ans, l’administration Biden négocie aussi avec un autre interlocuteur important au Moyen-Orient: l’Arabie Saoudite. C’est ce que révèle le New York Times, quotidien habituellement très bien informé de la géopolitique du Moyen-Orient.
En contrepartie d’un cessez le feu à Gaza et d’une reconnaissance de l’Etat palestinien par les Américains, l’Arabie Saoudite voudrait signer un pacte de défense mutuel avec les Etats-Unis. Ce pacte serait inspiré de ce qui existe actuellement avec le Japon. Les autorités saoudiennes souhaiteraient aussi que ce pacte soit validé par une large majorité des parlementaires américains. Or ce deuxième point n’est pas facile à obtenir. Plusieurs parlementaires américains – qu’ils soient démocrates ou républicains – ont une défiance viscérale à l’égard des saoudiens. Et du côté des Saoudiens, ce n’est guère mieux. Les saoudiens ne savent pas ce que vaut la parole des Américains en matière de défense. Les Saoudiens reprochent ainsi aux Américains d’être restés passifs lorsque des drones iraniens ont détruit des champs pétrolifères saoudiens en 2019.
Pour corser le tout, ces négociations montrent que l’administration Biden voudrait obtenir des Saoudiens qu’ils s’engagent à limiter leurs achats d’armes auprès de la Chine et surtout qu’ils continuent à lier leurs exportations de pétrole au dollar. La grande hantise des Etats-Unis est que des pays comme la Chine, la Russie ou même l’Inde optent pour d’autres devises que le roi dollar pour leurs échanges commerciaux. Or cette dé-dollarisation de l’économie mondiale s’est accentuée depuis que les Etats-Unis et l’Europe ont pris des sanctions économiques et financières à l’égard de la Russie. Tous les pays susceptibles d’être un jour en indélicatesse avec les Américains ont compris qu’ils devaient moins dépendre du dollar. Mais, sur ce point, la devise saoudienne ne risque pas de suivre le même chemin tant elle est ancrée au dollar US.
Un autre point problématique dans ces négociations est que les Américains souhaitent que les Saoudiens gardent le prix du pétrole le plus bas possible, du moins jusqu’aux élections de novembre prochain. Et bien entendu la volonté de l’Arabie saoudite de disposer d’un programme nucléaire civil est une autre pierre d’achoppement de ces négociations. Une idée qui n’enchante pas trop les Etats-Unis, mais la Maison Blanche n’a pas trop le choix que de négocier ce point. La hantise des Saoudiens est moins ce qui se passe sur la bande de Gaza que la peur de voir leur voisin iranien disposer de l’arme nucléaire d’ici quelques années. Toutes ces informations révélées par le New York Times et qui se déroulent en coulisses montrent qu’une partie de la réalité géopolitique reste d’abord nourrie par des aspects économiques et financiers, mais qui en doutait encore ?
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici