“Mobiliser l’épargne des Belges” ? Arrêtez ce sketch !

Bart De Wever et l'épargne. Belga/Getty Images.
Amid Faljaoui

Bon, on l’entend partout en ce moment : “On va mobiliser l’épargne des Belges pour financer le réarmement.” Franchement, qui croit encore à cette histoire ?

Comme si des milliards dormaient bien sagement sur des comptes en banque, en mode “on attend patiemment qu’un ministre vienne nous réveiller pour aller sauver l’Europe”. Spoiler alert : cet argent ne dort pas.

Non seulement il bosse déjà, mais en plus, si on le détourne vers l’armement, ça va forcément coincer quelque part. Et ça, bizarrement, personne n’en parle.

L’épargne des Belges, c’est pas un matelas, c’est un moteur !

Parce que oui, quand vous mettez votre argent sur un compte d’épargne ou une assurance-vie, il ne prend pas des vacances aux Bahamas en attendant des jours meilleurs. Il bosse. Il tourne. Il finance.

Les crédits immobiliers → Votre pote qui achète une maison ? Il emprunte à la banque. Et la banque, elle lui prête en partie grâce à votre épargne.

Les crédits aux entreprises → La PME du coin qui veut acheter une nouvelle machine ? Pareil, c’est du crédit financé par l’épargne.

Les projets d’infrastructure, la transition énergétique → Parce que les banques et les assurances ne laissent pas l’argent traîner dans un coffre, elles l’investissent dans des obligations d’État, des projets verts, du financement d’innovation.

Bref, l’argent circule déjà. Il n’est pas sur un parking, il est sur l’autoroute.

Si demain, les banques et les assureurs doivent flécher l’épargne vers l’industrie de la défense, devinez quoi ? Ça ne va pas se faire sans conséquences.

Moins de crédits pour tout le monde → Bah oui, si l’argent part dans les chars d’assaut et les missiles, il ne sera plus là pour financer votre crédit immobilier ou celui des PME. Résultat ? Des taux d’intérêt qui montent, des emprunts plus chers, et des investissements qui ralentissent.

Moins de cash pour la transition écologique → L’argent qui devait aller dans les énergies renouvelables ou la tech verte, hop, détourné vers la défense. On voulait sauver la planète, on va surtout sauver l’industrie de l’armement.

Moins de financements pour d’autres secteurs → Parce qu’à un moment, il faut choisir. Et si une partie de l’épargne est “réservée” à la défense, les autres secteurs vont se retrouver à sec. Vases communicants, basique.

L’enfumage politique de l’année ?

Et le pire, c’est que l’État pourrait faire autrement. Il pourrait lever de la dette, réallouer son budget, taxer certaines industries. Mais non. Il préfère vendre l’illusion qu’il y a une “cagnotte secrete” qui attend juste qu’on l’utilise.

Sauf que ce n’est pas une nouvelle source de financement. C’est un déplacement de flux. On prend l’argent ici, on le met là, et entre-temps, on a foutu en l’air d’autres pans de l’économie.

Ce qu’on vit aujourd’hui, c’est exactement le vieux dilemme économique du “Beurre ou Canons” qu’on enseigne en économie politique depuis des décennies.

Cette expression, popularisée en 1948 par l’ancien prix Nobel d’économie Paul Samuelson, résume le choix entre financer l’économie civile ou l’économie militaire. Chaque euro investi dans des écoles, des hôpitaux ou des infrastructures, c’est un euro qui ne va pas dans des chars et des fusils. Et inversement.

🔹 Exemple concret : Pendant la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, Ford a arrêté de produire des voitures pour fabriquer des chars et des avions. Résultat ? Pénuries de biens de consommation, rationnement, économies de guerre. Aujourd’hui, on ne parle pas de rationner, mais de rediriger massivement des fonds.

🔹 Autre exemple : aujourd’hui en Europe → Si on décide que l’armement est prioritaire, cela veut dire que des budgets seront diminués ailleurs : moins de financements pour la transition énergétique, moins de soutiens aux PME, moins d’investissements dans la recherche et l’innovation.

On ne peut pas avoir à la fois le beurre et les canons. Si on décide que la priorité, c’est de renforcer l’armée, il faut assumer qu’il y aura moins d’argent pour autre chose.

La vraie question : quelles sont nos priorités ?

Alors, est-ce qu’on doit investir dans la défense ? Peut-être. Mais alors qu’on nous le dise clairement. Qu’on explique quelles sont les conséquences.

Le vrai débat, c’est pas de savoir où on va “trouver” l’argent, mais où on va le prendre. Parce que non, il n’y a pas une “cagnotte magique” qui attend qu’on la mobilise. Il y a des arbitrages à faire.

Et ce serait bien qu’on les assume. Au lieu de nous faire croire que l’épargne des Belges est un coffre au trésor oublié.

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