Typhanie Afschrift
Meta et la liberté d’expression
C’est un événement important que la décision du groupe Meta (Facebook, WhatsApp, Instagram) de renoncer, en tout cas aux États-Unis, au système dit de “modération” des posts des usagers. Ce groupe s’était, à la différence de X, rangé à la position de l’Union européenne, qui exige que les plateformes luttent contre les fake news et contre une certaine agressivité. Il se peut que cette décision ait comme conséquence que les internautes échangent encore un peu plus de mensonges qu’aujourd’hui.
Le problème, lorsqu’on veut éviter les fausses nouvelles, c’est qu’il faut que quelqu’un dise quelle est la vérité. Et cela, c’est un risque sans doute encore beaucoup plus important que la propagation de fausses nouvelles. Si c’est un organisme étatique qui se charge de distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux, on en arrive à créer une “vérité officielle”, comme dans tous les États totalitaires. Ce système est l’antithèse de la liberté d’expression.
Jusqu’à présent, les plateformes qui pratiquaient la modération ne se gênaient pas pour effacer ou signaler certains posts qui ne disaient prétendument pas la vérité, telle qu’elle était comprise par les plateformes. Parfois, elles s’aidaient de certaines firmes qui prétendaient recourir à du fact-checking. Cela revient toutefois à déplacer le problème sans le résoudre : il n’y a aucune raison pour que ces entreprises, bien intentionnées ou non, sincères ou non, disent toujours la vérité. Le débat public doit précisément porter, notamment, sur ce qu’est la vérité, dont il peut exister plusieurs conceptions, tout simplement parce que chacun se fonde sur des éléments de preuve différents.
Dans tous les domaines, y compris en sciences, il y a des discussions, des controverses, et souvent la vérité n’émerge que bien plus tard. Il ne se justifie jamais de bloquer ces discussions, même si certains ont des points de vue extrêmement minoritaires. Ni l’histoire, ni la science ne se décident à la majorité…
Si on ne peut plus écouter que des personnes autorisées, beaucoup de vraies nouvelles n’apparaîtront plus jamais.
Quoi qu’en dise l’Union européenne, toute obligation faite aux plateformes d’empêcher la publication de certaines nouvelles, c’est de la censure pure et simple. Toutes les dictatures ont toujours dit que les affirmations contraires à leur position officielle étaient des “fausses nouvelles”. Personne ne peut s’arroger le droit de décider de ce qui est vrai et de ce qui est faux. On ne peut non plus se baser simplement sur la presse pour connaître la vérité. Celle-ci n’est pas toujours aussi diversifiée qu’on le voudrait, certains organes pratiquent de l’auto-censure, des journalistes, parfois très compétents, écrivent des articles qui relèvent plutôt de la militance idéologique, et il en existe d’autres qui se trompent purement et simplement. Certes, les fake news, volontaires ou involontaires, colportées par la presse sont beaucoup moins nombreuses que celles proférées par n’importe quel quidam sur un réseau social. Mais si on ne peut plus écouter que des personnes autorisées, beaucoup de vraies nouvelles n’apparaîtront plus jamais.
Pour toutes ces raisons, il faut approuver le choix de Marc Zuckerberg de cesser d’imposer sa vérité à ceux qui publient sur ses réseaux. C’est le rôle de chaque personne, sur internet, de s’informer sur l’auteur et l’origine de certains posts, pour éviter de tomber dans le piège du complotisme. Personne ne doit lui imposer ses vues.
L’importance de cette question est qu’elle met en relief la différence fondamentale de point de vue qu’il y a entre la conception américaine de la liberté d’expression, et celle de l’Union européenne et des Etats européens. Il y a d’un côté les états qui permettent réellement la libre expression des opinions, et puis il y a les autres, comme la Russie, la Chine etc., parmi lesquels il serait triste de trouver l’Europe.
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