Bruno Colmant

L’Union européenne survivra-t-elle aux quatre prochaines années ?

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

L’erreur que les Européens commettent, c’est de croire que le pire est passé pour eux avec l’élection de Donald Trump. En réalité, rien n’a commencé, et le pire est donc à venir.

Il faut lire attentivement les paroles de Trump et de Poutine pour comprendre qu’un accord entre vieux ennemis se fera sur le dos de l’Europe. La Russie maintiendra sa menace de guerre et d’annexions de pays limitrophes, sans probablement passer à l’acte, afin d’affaiblir et de diviser l’Europe. Celle-ci devra alors s’armer auprès des Américains, faute de quoi les États-Unis menaceront de sortir de l’OTAN et/ou d’imposer des barrières tarifaires et/ou de forcer l’Europe à acheter leur énergie à prix d’or.

Nous serons donc militairement et commercialement menacés par deux puissances qui ne voient plus en l’Europe qu’une population de consommateurs vieillissants, ayant prospéré, comme des passagers clandestins, sur une mondialisation interprétée, à tort, comme le retour des colonies et une opportunité de désindustrialiser.

Mais ce n’est pas tout : la Chine profitera donc de la faiblesse européenne pour déverser ses capacités de production excédentaires sur le marché européen, mettant à mort de nombreuses industries (acier, automobile, panneaux photovoltaïques, et tout ce qui est invisible).

Et que fait l’Europe ? Rien. Ou plutôt, la question est de savoir ce qu’elle peut faire, puisque le rapport Draghi est déjà rangé sur une étagère poussiéreuse, faute d’être finançable par un continent perclus de dettes et dont la monnaie pourrait être en péril.

Au sein de l’Europe, les pouvoirs sont faibles, quand ils ne sont pas dans une situation catastrophique, comme en France. Les pays du groupe de Višegrad ne se reconnaissent plus dans le socle du modèle européen, tandis que d’autres s’en sont éloignés, comme la Grande-Bretagne ou l’Italie, qui semble prête à se délier de la solidarité européenne. C’est, je pense, très grave, car c’est l’annonce d’une lente et fatale sédation.

Je ne crois pas que l’Europe soit capable de réagir face à cette situation. Elle n’en a pas la légitimité, alors que son modèle tend de plus en plus vers le confédéralisme. La solution, lointaine, viendra de nouvelles personnes qui seront capables d’unir les cinq pays essentiels de la zone euro : la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et l’Espagne. En France et en Allemagne , les dirigeants ne sont pas les bons.

Les prochaines années vont demander des qualités morales collectives de grande exigence alors que la tentation populiste sera séduisante. De Gaulle disait que le caractère est la vertu des temps difficiles. Et les temps seront difficiles.

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