Loin des yeux
L’homme est ainsi fait, partout et toujours, qu’il pense que ce qu’il ne voit pas, ne sent pas, ne perçoit pas, n’existe pas ! Mal lui en prend, le plus souvent. Pour nous, Daesh ou Etat islamique, c’était déjà du passé, révolu, enfoui voire vaincu. Malgré le Bataclan, les terrasses, Maelbeek et Zaventem. Il y avait eu les interventions militaires en Syrie, Irak et un procès. Donc, c’était fini. Affaire résolue.
Mais non ! Les choses sont bien différentes et seule notre indifférence au reste du monde nous fait croire que nos souhaits sont autant de réalités et que nos inattentions ne sont pas coupables. Parce que, à la vérité, des attentats du califat et de ses branches variées, il y en a encore eu. Il y en avait eu avant, il y en eut après nos territoires à nous ! En Afrique, en Asie, en Indonésie… Et, donc, en Russie !
Une Russie qui s’adosse à une Asie centrale secouée par des mouvements islamistes y compris terroristes. Donc aussi par Daesh. Une Russie qui compte aussi sur le territoire national des ressortissants de ces pays en “stan” : Tadjikistan, Turkménistan, Kazakhstan voire, plus loin, Azerbaïdjan et Afghanistan. Des hommes et des femmes pauvres, issus de pays pauvres, venus chercher un sort meilleur. Et parmi eux, comme chez nous, des esprits dévoyés par le fanatisme religieux et politique. Voire – pour l’Afghanistan – avec des souvenirs dangereux et belliqueux datant de l’invasion soviétique du passé. En fait, cela fait de la Russie un pays comme les nôtres. Avec ses fragilités ainsi révélées malgré son flicage intense et les rodomontades du pouvoir poutinien.
Et pourtant, l’autre leçon – celle destinée aux Russes eux-mêmes – aurait dû nous éveiller plus tôt, comme le rappelle la chaîne publique de radio allemande Deutschlandfunk : « L’arrogance et le cynisme [russes] d’avoir pris à la légère les avertissements américains illustrent une réalité de la lutte antiterroriste : les meilleurs exemples d’attentats déjoués sont le fruit d’une coopération étroite entre Etats amis… Bien souvent, les services antiterroristes allemands agissent sur la base d’informations provenant des services de renseignements de pays amis – généralement le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Ces alliances sont le gage d’une véritable protection contre le terrorisme. Et non les ‘hommes forts’. » Les hommes “forts” sont tout aussi impuissants à protéger leur population des attentats et des bombes.
Avons-nous, nous Européens, sous-estimé le danger d’un Etat islamique qui n’a jamais disparu sauf de nos radars ?
Autre leçon ou enseignement, utilement rappelé par Die Presse en Autriche : “Les leaders extrémistes ne reculent devant aucun cynisme pour recruter de nouveaux membres, y compris en Europe. Il y a 10 ans, ils exploitaient les photos insoutenables de civils tués par le régime syrien pour pousser les jeunes à la radicalisation. Aujourd’hui, c’est un autre foyer de souffrances qui apporte de nouvelles munitions à leur propagande de recrutement : Gaza.”
Les Russes ont négligé les avertissements américains mais savons-nous, saurons-nous, coopérer voire tout simplement apprendre de ce qui s’est passé au Crocus City Hall près de Moscou ? Ce Moscou qui fait la guerre. Ce Moscou qui nous est devenu lointain. Et pourtant si proche. Si semblable aussi à certains égards.
Avons-nous, nous Européens, sous-estimé le danger d’un Etat islamique qui n’a jamais disparu sauf de nos radars ? Pourtant, répliqueront certains, nous leur avons fait la guerre. Donc on a gagné et ils ont perdu. On nous l’a dit. Un peu comme pour ces talibans pour lesquels nous avions combattu en Afghanistan et qui sont revenus. Plus sages, paraît-il. Qui y croit ?
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