Lire la chronique d' Amid Faljaoui
L’info qui dérange: les entreprises ont-elles profité de l’effet d’aubaine de l’inflation?
Si vous lisez cette chronique jusqu’au bout, je vous dévoilerai une information presque confidentielle, car elle ne fait pas plaisir à entendre : c’est sur l’origine bizarre de la très étonnante résistance de l’inflation.
C’est vrai que le mot inflation était sur toutes les lèvres en 2022. Normal, après des années d’inflation proche de 0%, nous avions perdu de vue que l’inflation pouvait revenir et avec la sortie du covid et l’invasion en Ukraine, celle-ci est montée à 10% en moyenne, en zone euro, au mois d’octobre dernier. Depuis lors, on en parle moins, car on sait qu’elle est en baisse partout en zone euro, ce qui est une excellente nouvelle après une année et demie de hausse ininterrompue. Mais la mauvaise nouvelle, c’est que cette inflation en zone euro baisse moins vite que prévu… Pour le mois de février, elle est à 8,5% alors que les experts tablaient sur 8,2%. Ce n’est pas énorme comme différence, mais elle montre que la baisse des prix n’est pas aussi rapide qu’on le voudrait.
Ce qu’on constate aussi, c’est que si en 2022, ce sont les prix de l’énergie (électricité, gaz, pétrole) qui ont fortement alimenté cette inflation, là en début 2023, les experts de la banque centrale européenne, qui ausculte au scalpel notre inflation, constatent que ce sont les prix alimentaires qui ont pris le relais. Ce n’est pas une bonne nouvelle non plus… On a l’impression de passer de la peste au choléra. D’autres économistes nous disent qu’il ne faut pas s’inquiéter, après tout nous sommes dans une économie de guerre, et les périodes de guerres sont toutes inflationnistes. Mais tout cela ne fait pas l’affaire des investisseurs, ni des entreprises, ni même des ménages, car qui dit que l’inflation reste en hausse dit aussi que la banque centrale européenne risque de continuer à augmenter ses taux d’intérêt pour justement freiner cette inflation. N’oubliez pas que la mission de la banque centrale européenne, c’est de faire en sorte que l’inflation en zone euro tourne autour de 2%. On en est encore loin !
Donc la conclusion s’impose de manière presque évidente, il ne faut pas s’attendre à un arrêt de la hausse des taux d’intérêt cette année, et encore moins à une baisse des taux en 2023. Cela ne fait évidemment pas l’affaire des passionnés de la Bourse, car la hausse de la Bourse était, en partie, alimentée par le fait que les taux d’intérêt allaient cesser de grimper.
Mais j’en viens à la nouvelle que je voulais absolument partager avec vous, l’agence d’information Reuters a dévoilé le fait que les 26 dirigeants de la banque centrale européenne se sont réunis en séminaire à huis clos la semaine dernière. Ils ont pu voir 25 slides confidentiels sur l’origine de la hausse des prix en zone euro – et devinez quoi – Reuters nous dévoile le fait qu’une bonne partie de cette hausse de l’inflation est imputable non pas aux prix de l’énergie, mais bien au fait que certaines entreprises ont profité de cette inflation pour augmenter leurs prix bien au-delà de leurs coûts. C’est ce qu’on appelle un effet d’aubaine.
Comme les économistes de la BCE ont-ils pu mesurer cela ? Simple, les marges des entreprises de la zone euro sont à 10,7% en moyenne, c’est un taux de marge plus élevé de 25% que la marge réalisée par ces entreprises avant le covid et avant la guerre en Ukraine. Mais voilà, ce genre d’information nous dit l’agence Reuters ne circule pas trop, car elle pourrait fâcher une partie de la population. Ça, c’est pour le scoop si vous voulez.
Mais derrière toute mauvaise nouvelle, il y en a une bonne. Si l’inflation est en partie due aux entreprises, cela veut aussi dire que ces entreprises vont maintenant mettre le frein sur la hausse de leurs prix de vente, car elles voudront aussi éviter de perdre des parts de marché. Donc, si cette théorie est juste, elle pourrait permettre à la banque centrale de baisser ces taux plus tôt que prévu. Mais ce scoop, dont je vous ai parlé, montre surtout que la BCE gesticule beaucoup, mais tout comme hier une hausse des taux d’intérêt n’avait aucune influence sur le prix du baril, une hausse des taux n’aura aucune influence sur les marges des entreprises. Au fond la BCE c’est un peu comme la vierge Marie, elle doit se montrer de temps en temps sinon les gens perdent la foi. Mais en matière de miracle, la BCE ce n’est pas top !
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