Amid Faljaoui
L’Inde et sa croissance en trompe-l’œil : la preuve par les scooters !
On pourrait se dire que c’est en Inde qu’il faut aller. N’annonce-t-on pas une croissance économique de 7% en 2024 ? Sauf que ce ne serait là qu’un effet de loupe.
Quand on aime l’économie et le business comme moi, on n’arrête pas de faire des comparaisons. Hier soir, je regardais sur LinkedIn, l’interview de Fabian Pinckaers, un chef d’entreprise belge devenu milliardaire grâce à Odoo, une société informatique. Un journaliste indien demandait à Fabian Pinckaers ce qu’il faisait en Inde. Il lui a répondu que l’Inde est un pays d’avenir.
Pourtant, sur les 500 millions d’euros de chiffres d’affaires d’Odoo, l’Inde ne représente que 5 millions d’euros. Donc même les employés de Odoo se sont demandé ce que faisait leur patron en Inde. Et surtout pourquoi il y avait déménagé avec femme et enfants ? Et la réponse de Fabian Pinckaers ne manque pas d’intérêt. Pour lui, dans les pays émergents, les fameux BRICS, seule l’Inde tire son épingle du jeu. Le Brésil est en proie à l’inflation. La Russie est en guerre. La Chine ne vous laisse pas avoir une société locale détenue par un étranger et le pouvoir en place est imprévisible en ce moment. Et ne parlons même pas de l’Afrique du Sud. Bref, de cet acronyme BRICS, il ne reste plus que la lettre I. Soit celle de l’Inde. Mais est-ce aussi simple que ça ?
Un patron belge ou français qui entend ou regarde cette interview pourrait se dire que c’est en Inde qu’il faut aller. N’annonce-t-on pas une croissance économique de 7% en 2024 ? Et c’est sans doute sur ce point qu’il faut tempérer les ardeurs. Pour Ashoka Mody, indien lui-même et professeur d’économie à l’université de Princeton aux Etats-Unis, ce n’est là qu’un effet de loupe, précise-t-il dans Les Echos. Le patron qui se focalise uniquement sur ce chiffre de 7% de croissance risque d’être déçu. Le tiers de la croissance indienne est tirée aujourd’hui par le secteur financier, ce qui n’est jamais bon. Parce que la Finance créée peu d’emplois et surtout parce que cela peut préfigurer d’une bulle boursière.
Ce qui n’est en soit pas un souci pour Fabian Pinckaers puisqu’il est dans le secteur de l’informatique. Mais si l’Inde est connue pour la qualité de ses informaticiens, ce secteur informatique ne représente que quelques centaines de milliers d’emplois créés chaque année. Or, les secteurs qui emploient le plus d’Indiens en ce moment sont le BTP et l’agriculture. Or, toujours selon Mody, les emplois en question sont précaires tant sur le plan physique que financier. Et c’est d’autant plus vrai que les personnes qui travaillent dans l’agriculture le font à contrecœur. C’est aussi un secteur qui subit de plein fouet le réchauffement climatique. Dans les campagnes indiennes, des centaines de millions d’Indiens subissent un stress financier. Il est perceptible via des produits de grande consommation comme le savon, le dentifrice ou les biscuits. Il se constate aussi au travers de la baisse des ventes de scooters qui est pourtant le moyen de locomotion favori des Indiens.
À tout cela s’ajoutent les 450 millions d’Indiens qui n’ont pas de job. Autant de données qui montrent qu’un chiffre de croissance de 7% peut aussi cacher une autre réalité beaucoup moins sexy. Ou pour citer le général De Gaulle sur le Brésil : « le Brésil est un pays d’avenir et il le restera ». Espérons que cette phrase ne s’appliquera pas à l’Inde.
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