Une chronique d’Amid Faljaoui, directeur de Trends Tendances.
Imaginez : Vous ne tapez plus “meilleure crème hydratante” sur Google. Vous la demandez à ChatGPT : “Trouve-moi une crème bio et pas trop chère”. Et en une seconde, l’IA vous répond : “Voici celle qui vous correspond le mieux.”
Le constat ? Pas de pub. Pas de rayon. Pas de comparaison. C’est simple, rapide… et terriblement dangereux pour les distributeurs. Pendant des décennies, ce sont eux – Carrefour, Delhaize, Amazon – qui décidaient de ce que vous voyiez. Des produits mis en avant, des prix affichés, du parcours client. Les fabricants, eux, devaient supplier pour disposer d’une place dans un rayon, avoir une mise en avant, un peu de visibilité.
Mais tout change. Avec l’intelligence artificielle, la relation commerciale se déplace : l’acheteur ne parle plus à une enseigne, il parle à une machine. Et cette machine peut très bien recommander le fabricant directement ! Prenez un exemple concret : un fabricant belge de cosmétiques crée son propre assistant IA. L’IA connaît votre peau, votre budget, vos goûts. Elle vous conseille, prend la commande, et fait livrer. Résultat ? Pas besoin d’intermédiaire. C’est le rêve de la vente directe au client… mais dopé à l’intelligence artificielle.
Et donc, oui, pour la première fois depuis des décennies, les fabricants peuvent reprendre la main sur la relation client. Et donc sur la marge. Mais pour les distributeurs, c’est un séisme. Leur force reposait sur deux piliers : la visibilité et la proximité. Or, dans un monde où vous ne voyez plus les rayons, et où l’IA choisit pour vous, ces deux leviers s’effondrent.
Pire encore, si votre produit n’apparaît pas dans les trois premières recommandations, vous n’existez plus. Et quand le consommateur dira : “J’ai commandé via ChatGPT”, Carrefour, Delhaize ou Colruyt ne seront plus que des prestataires logistiques.
Mais attention : Les fabricants, eux, ne sont pas nécessairement tirés d’affaire. S’ils échappent aux distributeurs, ils tomberont dans les bras des géants de l’IA. OpenAI, Google ou Mistral deviendront les nouveaux supermarchés invisibles : ils décideront quel produit recommander, à quel prix, selon quels critères. Et pour être visibles, les marques devront… payer.
Bref, la conclusion, c’est que les fabricants ne sortent pas vraiment du système. Ils changent simplement de guichet. La raison ? Le commerce de demain ne se jouera plus dans les rayons ni sur les sites e-commerce, mais dans la conversation elle-même.
De facto, vous ne “verrez” plus les produits : vous les entendrez,
recommandés par une voix qui connaît vos goûts mieux que vous et qui, parfois, sera rémunérée pour influencer votre choix.
Alors la prochaine fois que vous demanderez à votre assistant :
“Quelle lessive est la meilleure pour ma machine ?”. Posez-vous une autre question : Qui, exactement, a payé pour que votre IA réponde ça ?