Amid Faljaoui
L’été 2023, prélude à un monde où l’eau sera vendue au prix du caviar ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la météo a été très clémente le weekend dernier. Pareille météo, c’est évidemment toujours bon pour le moral. Mais la météo montre aussi sa puissance sur notre avenir économique et pour tout dire notre avenir tout court.
L’hiver doux que nous avons connu nous a permis de ne pas souffrir de l’embargo volontaire contre les hydrocarbures russes. Avec le recul, nous nous sommes tous dit, « ouf, le pire ne s’est pas produit, contrairement à ce que nous prédisaient nos experts en catastrologie ». Seulement voilà, l’hiver doux était aussi exceptionnellement sec. Et c’est là où j’ai l’impression que l’actualité nous a fait un pied de nez ! Comme si le mal que nous avons évité cet hiver a été remplacé par un autre pour cet été.
Après un été 2022 assez dévastateur (canicule), plusieurs pays de l’Union européenne se préparent déjà à un été 2023 très difficile. Comment le sait-on ? Rien de plus facile, la plupart des pays du sud de l’Europe ont déjà soif d’eau : 19 départements en France présentent des risques de sécheresse estivale du fait que les nappes phréatiques sont au plus bas et ont donc été classées au niveau d’alerte de crise. Autre exemple de la sécheresse à venir : la couverture neigeuse dans les Alpes est sous la moyenne habituelle, et les grands fleuves européens comme le Rhin, le Rhône ou le Pô ne pourront donc pas compter sur beaucoup d’eaux de fonte au cours de l’été à venir. C’est évidemment une bien mauvaise nouvelle pour l’agriculture. Pire encore, en Italie, cette sécheresse précoce menace même le Made in Italy. La production d’huile d’olive a chuté de 37% en un an et comme la production laitière a aussi baissé, elle a des répercussions sur la fabrication du parmesan.
Mais ce n’est pas tout, des fleuves au plus bas ont aussi une implication négative sur la navigation fluviale dont l’importance pour l’économie allemande n’est plus à rappeler, sans oublier l’impact négatif de la sécheresse sur l’approvisionnement en électricité.
Le but de mon propos n’est évidemment pas pour vous gâcher à postériori votre weekend ensoleillé ou vos futures ballades en vélo. Ce n’est pas le style de la maison, mais c’est d’alerter nos lecteurs sur le fait que la bataille de l’eau a déjà démarré. Dans un avenir prochain, chaque goutte d’eau sera importante. Fort heureusement, les solutions existent : elles passent par une meilleure gestion des ressources en eau existante, par la recherche de nouvelles ressources, mais aussi par un changement dans les méthodes agricoles ou la sélection de plantes mieux adaptées.
Le pays qui pourrait nous servir de modèle, c’est Israël. Normal, l’eau est une ressource stratégique pour une population qui vit en mode européen, voire américain dans un climat semi-aride. A titre d’exemple, la France recycle seulement 1% de ses eaux usées contre 8% en Italie et 14% en Espagne. J’ai pris à dessein les 3 principaux pays agricoles du sud de l’Europe car tous les 3 ont des leçons à prendre en Israël qui recycle jusqu’à 84% de ses eaux usées !
Mais direz-vous, si comme d’habitude, on ne faisait rien ou pas assez face à ce défi ? La réponse à cette question a été donnée par une scientifique de la Nasa à l’écrivain et réalisateur Marc Dugain : le confinement sera la règle. Pas parce qu’il y aura une multiplication des épidémies, mais parce que la chaleur deviendra telle que nous devrons passer une grande partie des étés enfermés : « we’ll be roasted » a même ajouté cette scientifique (en français : « nous serons cuits »). Un ami entrepreneur m’a fait part d’un proverbe malien qui dit que les occidentaux ont l’heure et nous le temps. J’ai bien peur que ni au nord et encore moins au sud on ait le temps. La meilleure preuve ? Au cours de ces derniers jours, la chute de la production en Floride a fait bondir le prix du jus d’orange au-delà du prix du pétrole. Le bon sens nous demande d’éviter que l’eau ne se vende demain au prix du caviar.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici