Amid Faljaoui

Les robots-taxis ? Plus de la com que la réalité

Une chronique d’Amid Faljaoui.

On a encore vu fleurir ce week-end des articles très enthousiastes sur les robots-taxis. Les mêmes images circulent : voitures sans chauffeur, villes futuristes, mobilité “réinventée”.

Sur LinkedIn, le réflexe est presque automatique : on applaudit. Pourtant, dès qu’on prend quelques secondes pour regarder les chiffres, la narration techno-optimiste perd beaucoup de sa superbe.

Aux États-Unis, Waymo exploite environ deux mille véhicules. Uber, quelques centaines. Baidu, à peine davantage en Chine. À l’échelle des centaines de millions de conducteurs dans le monde, cette flotte n’annonce pas une révolution : elle ressemble plutôt à un prototype industriel prolongé. La Silicon Valley parle déjà de l’après-chauffeur, alors même que ses robots-taxis ne gèrent pas encore correctement un carrefour complexe sans assistance.

Il suffit d’observer la réalité. À San Francisco, il n’est pas rare de voir un robot-taxi immobilisé au milieu d’une intersection, incapable d’interpréter un geste de policier ou un obstacle inhabituel. Ces incidents ne sont pas dramatiques, mais ils rappellent une vérité simple : la technologie fonctionne très bien quand tout est prévu, beaucoup moins quand la ville cesse d’être un laboratoire.

Le discours sur la sécurité “mille fois supérieure” repose essentiellement sur de la communication. Aucune donnée indépendante, aucune transparence sur les interventions humaines, aucune audibilité publique. Dans un secteur aussi sensible, c’est une faiblesse méthodologique majeure. On ne remplace pas des millions de conducteurs sur la base d’affirmations non vérifiables.

Et il reste la question clé, celle que beaucoup préfèrent éviter : la rentabilité.
Un robot-taxi dépasse les 150.000 dollars d’équipements, nécessite maintenance spécialisée, recalibrage, nettoyage, centres de supervision et téléopérateurs. Malgré la disparition du chauffeur, les prix des courses n’ont pas baissé. Si la technologie représentait une rupture économique, elle aurait déjà produit un différentiel visible pour l’usager. Ce n’est pas le cas.

Alors pourquoi cet emballement médiatique revient-il régulièrement, y compris ce week-end ? Parce que dans la bataille mondiale de l’IA, le robot-taxi est devenu un symbole. Il permet d’afficher une avance stratégique, de rassurer les investisseurs et de prolonger un récit d’innovation continue. Il est, pour l’instant, beaucoup plus utile comme outil de communication que comme produit de mobilité.

La conduite autonome progressera, mais d’abord là où l’environnement est parfaitement contrôlé : zones industrielles, campus, aéroports. Imaginer une substitution massive de la conduite humaine reste aujourd’hui un horizon théorique. L’économie réelle, elle, ne s’est pas encore alignée sur la promesse.

Ce qui pose une question simple : la mobilité autonome avance-t-elle vraiment… ou est-ce le storytelling qui garde une longueur d’avance ?

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