Amid Faljaoui

Les prix de l’essence à la hausse, la faute à l’Arabie Saoudite

Vous l’avez remarqué, les prix de l’essence à la pompe sont repartis à la hausse. C’est étonnant, car l’économie n’est pas au top de sa forme et que des risques de récession même minimes sont évoqués par la plupart des économistes.

Donc, comment se fait-il que le prix de notre carburant soit reparti à la hausse ? Ne cherchez pas, c’est juste la volonté d’un seul homme ou presque –, en l’occurrence, le prince héritier d’Arabie Saoudite. Avec son allié russe, il a réussi à imposer aux autres membres de l’OPEP de réduire leur production. Il avait déjà imposé cette réduction en juin. La réduction devait être temporaire, mais pas plus tard que mardi dernier, tout ce beau monde de l’OPEP a décidé de prolonger la réduction de la production de pétrole jusqu’à la fin décembre 2023.

La volonté de l’Arabie Saoudite et de ses alliés, c’est de réduire la production pour pousser les prix du pétrole à la hausse – au minimum au-dessus des 80 dollars. C’est déjà le cas aujourd’hui avec un pétrole qui flirte avec la barre des 90 dollars. Mais l’idéal pour l’Arabie Saoudite, c’est que le prix du baril passe la barre des 100 dollars. En clair, les prix à la pompe ne vont pas se calmer de sitôt. Si l’Arabie Saoudite agit de la sorte, c’est parce que son prince héritier essaie de faire pression sur le locataire de la Maison-Blanche. Il fait tout pour énerver Joe Biden en lui rendant la vie difficile avec un pétrole cher. Ne l’oublions pas, aux Etats-Unis, la campagne électorale a commencé et le nouveau président des Etats-Unis sera connu en novembre 2024. Or, les Américains qui roulent énormément sont sensibles au prix de l’essence. Lorsque le prince héritier se rapproche de son ennemi iranien, cela rend aussi fou l’administration américaine qui ne décolère pas.

Bref, l’Arabie Saoudite utilise l’arme du pétrole comme arme de négociation géopolitique. Elle voudrait avoir plus d’armes et idéalement même l’arme nucléaire. Mohammed Ben Salman, l’héritier du Royaume saoudien, n’est pas fou. Il a compris que tous les pays qui ont l’arme nucléaire – comme la Corée du Nord ou la Russie – sont des pays protégés contre un éventuel renversement de régime et sont traités avec plus d’égard que les autres par les Etats-Unis. Ca c’est pour les raisons géopolitiques de la hausse du prix du pétrole.

Mais il y a aussi une volonté de profiter de la hausse des prix du pétrole pour mener tambour battant la diversification de l’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, comme l’écrivait le Wall Street Journal, l’Arabie Saoudite est devenue le distributeur automatique de billets du monde. Tous les investisseurs qui veulent investir en Arabie Saoudite sont priés d’installer leur siège social à Riad et non plus à Dubaï, ce qui rend très nerveux l’émir de Dubaï qui ne peut rien faire contre son puissant voisin. Il y a même un sommet économique qui va avoir lieu bientôt en Arabie Saoudite. Tout le monde s’y presse, au point que le ticket d’entrée est monté à 15.000 dollars. On voit bien que les investisseurs font passer l’argent avant la morale. N’oubliez pas que ce même sommet – pompeusement appelé Davos du désert – a été boycotté en 2018 lorsqu’on a appris que les services secrets avaient découpé en petits morceaux et dissous à l’acide le journaliste saoudien Jamal Khasoggi. L’argent n’a pas de mémoire en effet.

Mais si la stratégie du prince héritier de pousser artificiellement les prix du pétrole à la hausse lui ramène des tonnes de dollars à court terme, c’est une mauvaise nouvelle pour la baisse de notre inflation. C’est une mauvaise nouvelle pour notre pouvoir d’achat et c’est donc une mauvaise nouvelle pour la consommation et donc la croissance. Le danger, c’est qu’à long terme, la hausse du prix du pétrole risque de provoquer… la baisse du pétrole comme l’écrit le commentateur financier Marc Fiorentino. Mais le prince héritier ne fait pas le même calcul que nous. Il doit sans doute se dire comme l’économiste Keynes, qu’à long terme, il n’y a que deux choses de certaines, la mort et les impôts.

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