Bruno Colmant
Les plus grands périls depuis 1945
Lorsque Charles Michel a décidé de quitter anticipativement son poste de Président du Conseil européen en plein conflit ukrainien avant de reprendre son rôle dans une désapprobation générale, il a probablement privé la Belgique d’un poste prestigieux pendant longtemps.
Charles Michel a surtout révélé la vacuité de son poste. Ce sont les chefs d’État qui décident du futur de l’Europe, pas le Président du Conseil. Et ces chefs d’État sont, aujourd’hui, tiraillés par cette guerre qui, combinée à une victoire plausible de Trump aux élections américaines prochaines, et qui les confronte aux plus grands périls que l’Europe ait connus depuis 1945.
Animée par des pulsions totalitaires, et sans doute messianiques, la Russie continuera peut-être son expansion et démontrera que, comme en 1939 avec la Pologne que nous avons trahie, l’Europe occidentale et, bien sûr, les États-Unis, ne viendront pas contrarier leurs aventures militaires, plongeant nos pays sous un ciel bas, noir et anxiogène, tandis que d’autres menaces intérieures nous guettent.
Au reste, depuis l’invasion russe de l’Ukraine, chaque jour apporte son lot d’avertissements quant à la proximité d’un conflit armé. L’OTAN, bien que probablement écartée par les États-Unis en cas de victoire plausible de Trump, renforce ses positions et adhésions, certains pays abandonnant leur neutralité. Des responsables allemands, dans une curieuse amnésie historique puisque les leurs traînent toujours sur nos plages, prônent la construction de bunkers, tandis que le Président français appelle à l’envoi de troupes occidentales en Europe, ce qui risque d’attiser et d’étendre le conflit.
En vérité, personne ne sait si une guerre générale est en train de se former, mais tout le monde souhaite l’éviter. Il est crucial de ne pas répéter les erreurs du passé et d’éviter d’être les « imbéciles utiles » de l’histoire, comme Chamberlain et Daladier après Munich en 1938.
Ne pas être manipulés par des expressions médiatiques
Pour cette raison, il est essentiel d’engager un large débat citoyen pour ne pas être manipulés par des expressions médiatiques dispersées et manipulées par des représentants européens dont les prises de position ne peuvent pas entraîner celles de centaines de millions d’Européens.
Le choix qui se présente est clair : soit nous cherchons à trouver la paix avec la Russie dans une dissuasion réciproque, soit nous nous engageons, avec consentement collectif, réellement dans une économie de guerre, ce qui impliquerait des bouleversements majeurs comme la réhabilitation immédiate du service militaire, la réorientation de notre industrie restante, et la programmation de toutes les ogives nucléaires françaises et anglaises, voire celles déposées par les forces américaines sur notre territoire, sur Moscou.
Je crois qu’il faut chercher la voie de la paix dès à présent. Une guerre en Europe n’aurait aucun gagnant et répondrait à une destruction planétaire. Et, quand bien même nous mettrions nos pays sur pied de guerre, nous n’en aurions pas le temps. Et puis, le monde de 2024, surpeuplé et toxique de ses excès environnementaux, est beaucoup plus dangereux. Les guerres possibles sont multiples : cybernétiques, idéologiques, nucléaires, avec un environnement qui ne nous fera plus crédit.
De surcroît, le maillon faible après l’Europe, ce sont les États-Unis qui vont se désengager du conflit ukrainien dans cet immense mouvement isolationniste qu’ils ont entamé depuis 80 ans, raison pour laquelle ils ne terminent jamais leurs guerres.
Le pire scénario serait de se retrouver dans une situation similaire à celle de la malnommée « drôle de guerre » après Munich, ou plutôt après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, sans que les pays occidentaux réagissent après avoir pourtant promis à cette même Pologne toute t’aide militaire en cas d’invasion.
Mais si on ne veut pas faire la paix, alors il faut se préparer à la guerre. Et nous ne le faisons pas. Et cela, c’est être munichois. Être munichois, en 2024, ce n’est pas chercher la paix à tout prix. C’est d’être indécis, pusillanime et velléitaire.
Le Cardinal de Retz (1613-1679) disait qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. C’est donc maintenant qu’il faut clarifier nos destins communs.
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