Amid Faljaoui

Les milliards invisibles d’Oracle

Imaginez que vous vous réveilliez un matin et qu’on vous annonce qu’un homme vient de gagner plus de 100 milliards de dollars en une seule journée. Pas au loto, pas en vendant une entreprise… mais juste parce que la Bourse a décidé que les actions qu’il possède valent soudain beaucoup plus cher. C’est ce qui est arrivé cette semaine avec Larry Ellison, le patron d’Oracle, un géant américain de l’informatique.

Oracle, vous n’en avez peut-être jamais entendu parler. Ce n’est pas une marque grand public comme Apple ou Amazon. Oracle est un groupe actif dans les coulisses. L’entreprise fabrique des logiciels de gestion et, surtout, elle loue de la puissance informatique, ce qu’on appelle le “cloud”. C’est un peu comme si elle possédait d’immenses usines d’ordinateurs que d’autres entreprises viennent utiliser à distance.

Et pourquoi Oracle a-t-elle soudain pris une telle valeur en Bourse ? Parce qu’elle a annoncé avoir signé des contrats gigantesques avec des acteurs de l’intelligence artificielle, dont OpenAI, la société à l’origine de ChatGPT. Un de ces contrats atteindrait… 300 milliards de dollars sur cinq ans. Rien que ce chiffre fait tourner la tête. Résultat, les investisseurs se sont précipités sur l’action Oracle, qui a bondi de 38 % en une seule séance. Et comme Larry Ellison possède 41% du capital d’Oracle, il a vu sa fortune bondir de 100 milliards en une seule journée, au point de détrôner Elon Musk pour le titre de l’homme le plus riche du monde

Mais attention : tout cela reste virtuel. Larry Ellison n’a pas reçu 100 milliards sur son compte en banque. Sa fortune a augmenté “sur le papier”, c’est-à-dire parce que la valeur des actions qu’il détient a grimpé. Et si demain le cours baisse, sa fortune baissera aussi vite.

Et puis ces contrats, que signifient-ils vraiment ? Oracle dit avoir des “promesses de revenus” colossales. C’est un peu comme un restaurateur qui affiche complet pour les cinq prochaines années. Impressionnant… sauf que pour servir ces clients, il faut encore construire la cuisine, acheter les frigos, embaucher les cuisiniers.

Plusieurs obstacles

Dans le cas d’Oracle, la “cuisine”, ce sont les centres de données, ces immenses hangars remplis de serveurs. Et là, il y a plusieurs obstacles. D’abord, l’électricité. Ces centres consomment autant qu’une grande ville. Aux États-Unis, le réseau électrique est déjà saturé par l’explosion des data centers. Les délais pour brancher de nouvelles capacités se comptent parfois en années. Ensuite, le matériel. Les fameuses puces qui font tourner l’intelligence artificielle sont rares et très demandées. Même les plus gros groupes doivent attendre pour en recevoir. Enfin, il y a la facture : construire ces infrastructures coûte des dizaines de milliards de dollars par an.

Alors oui, Oracle a décroché un “jackpot” en apparence. Mais il faudra transformer ces promesses en revenus réels. Et c’est là que certains experts parlent d’une bulle boursière possible : les valorisations boursières flambent plus vite que les câbles ne sont tirés et que les serveurs ne sont branchés.

La morale ? Dans l’économie comme dans la vie, il faut toujours distinguer ce qui existe de ce qui est promis. Oracle a gagné une course médiatique, celle des gros titres et des classements de fortunes. Mais la vraie course, celle qui compte, sera industrielle. Ce sera de savoir si, dans trois ou quatre ans, les serveurs tournent, si l’électricité suit, si les clients consomment réellement ce qu’ils ont réservé.

En attendant, Larry Ellison peut savourer son moment de gloire. Mais vous, si vous entendez qu’un milliardaire a gagné 100 milliards en une journée, rappelez-vous : ce n’est pas de la magie, ce n’est pas un coffre plein d’or… c’est un pari du marché. Et les paris, ça se gagne, mais ça se perd aussi

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