Eddy Caekelberghs

Les faux amis: sur qui l’Ukraine pourra-t-elle compter en 2025?

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

“Méfie-toi de tes amis, tu ne sais pas de quoi ils sont capables!” Ce proverbe, enseigné par la sagesse populaire, se vérifie, hélas, souvent. Ce qui m’amène à une question : sur qui l’Ukraine pourra-t-elle compter en 2025, à part sur elle-même?

En marge du sommet européen à Bruxelles, le nouveau secrétaire général de l’Otan, l’ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte, et plusieurs chefs de gouvernement européens ont rencontré Volodymyr Zelensky. Les discussions auraient (dit-on) évoqué les moyens de placer Kiev “en position de force”. Mais d’où une telle force pourrait bien venir ?

“Que ce soit dans un scénario où Trump et Poutine s’entendent sur un cessez-le-feu (pour le moins instable), ou dans celui d’une guerre longue, la question subsiste. Les deux cas de figure nécessiteront des dizaines de milliers de soldats, ainsi que des munitions, des missiles, des systèmes de défense antiaérienne et de véritables garanties de sécurité de la part de l’Europe…”, souligne le quotidien italien La Stampa. Mark Rutte réclame d’ailleurs en conséquence des moyens accrus pour une défense commune.

L’Europe est-elle prête à assumer un rôle militaire pour aider l’Ukraine sans les États-Unis?

Mais, aux Pays-Bas, dans le journal chrétien progressiste Trouw (la Foi), le chroniqueur Stevo Akkerman s’interroge : “L’UE n’ayant pas d’armée, quels pays enverraient leurs soldats ? Probablement pas les pays bien disposés envers la Russie, comme la Hongrie ou la Slovaquie… Par ailleurs, si l’on veut prendre place à la table des grands, il faut être prêt à coopérer à la force européenne de maintien de la paix qui serait constituée ex nihilo, sans quoi notre contribution serait nulle. Mais cette force n’existe pas… Et que fera Trump pendant ce temps ? L’Europe est-elle prête à assumer un rôle militaire sans les États-Unis ? Ce que je vois, c’est le Vieux Continent en train de vaciller.”

Une analyse partagée en Lituanie, voisine du conflit, par Gintautas Razma, analyste de l’académie militaire lituanienne, qui commente : “Tôt ou tard, l’UE va devoir assumer le rôle de ‘concepteur militaire’ (force builder dans la version originale). Plus tôt elle l’aura compris, plus rapidement l’UE pourra mobiliser ses ressources pour se doter d’une puissance militaire.”

Chacun voit évidemment la situation en fonction du prisme de ses intérêts et de ses peurs. Ainsi, les pays baltes et nordiques, mais aussi nos voisins néerlandais et luxembourgeois, définissent ce que les populations devraient acheter comme “kit de survie” en cas de catastrophe. Et, aux côtés des cyclones et autres catastrophes naturelles, c’est une guerre directe avec la Russie qui y est évoquée. De quoi, à la fois préparer les opinions publiques au pire, mais aussi – voire surtout – convaincre ces opinions publiques de la nécessité d’arbitrages budgétaires difficiles. Et nous sommes en crise !

À part pour les spéculateurs en cryptos, rien ne préfigure un mieux-être social. Nos économies sont à la peine. Mais il faudrait se préparer à saigner budgétairement. Le temps des déficits massifs étant clos. La Commission européenne siffle la fin de la récréation.

À Washington, autour de Trump, on a un plan : mettre fin aux livraisons d’armes américaines à Kiev et faire pression sur Moscou, en augmentant le volume de pétrole sur les marchés mondiaux pour faire baisser les prix, ce qui réduirait les rentrées financières russes.

Et la presse bulgare (si hostile à Moscou il y a peu encore) commente : “L’Ukraine ne survivra pas sans aide étrangère, et la Russie sombrera dans un isolement croissant, ce qui aura inévitablement des répercussions très négatives sur le pays.” Qui sera, dans ces conditions, l’ami de l’Ukraine ? Et qui voudra négocier avec Moscou pour s’en sortir ?



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