Amid Faljaoui
Les avions de chasse F-35 belges en mode contrôle parental américain
La remilitarisation de l’Europe coûtera des milliards, mais elle pourrait aussi avoir des effets positifs sur l’économie. Pour la simple raison que depuis toujours, les innovations militaires ont débordé sur le civil : Internet, le GPS, les ailes en carbone des avions, les satellites de communication… Autant d’avancées qui sont nées dans des laboratoires de défense avant de transformer notre quotidien.
Mais pour que cet investissement bénéficie à l’industrie européenne, encore faut-il que cet armement soit… européen. Or, aujourd’hui, une grande partie des nouveaux avions de chasse commandés par 11 pays européens sont des F-35 américains. Et ces appareils posent un vrai problème de souveraineté.
Pourquoi ? Parce que le F-35 fonctionne comme un iPhone. Hyper sophistiqué, surpuissant, mais dépendant d’un écosystème centralisé… basé aux États-Unis. Maintenance, mises à jour, pièces détachées : tout est géré depuis un centre informatique situé sur la base d’Eglin, en Floride. Ce système permet à Washington d’avoir un œil constant sur l’utilisation de ces avions.
Certains en viennent à se demander si les États-Unis ne pourraient pas, en cas de désaccord, « couper » les F-35 étrangers à distance. Un bouton secret pour clouer ces avions au sol ? Officiellement, non. Mais en réalité, les Américains n’en ont même pas besoin. Le verrou, c’est que tous les fichiers de mission – ceux qui permettent à l’avion de repérer ses cibles, d’éviter les défenses ennemies et de naviguer en territoire hostile – doivent être préparés et validés aux États-Unis. Impossible pour un pays européen de les générer seul.

Le patron d’Airbus Defence and Space, Michael Schoellhorn, a d’ailleurs lâché un exemple frappant : si le Danemark décidait un jour de défendre le Groenland contre une éventuelle menace – y compris américaine – ses F-35 ne pourraient peut-être même pas décoller. Pourquoi ? Parce que ces avions restent sous contrôle indirect de Washington, qui peut bloquer leur mise en œuvre en quelques clics.
Résultat : si Washington décide de ne plus fournir ces fichiers, ou de bloquer certaines mises à jour, les F-35 européens pourraient se retrouver inutilisables. Seul Israël a obtenu une exception et peut modifier lui-même ses F-35.
Face à ce constat, certains commencent à douter. Le Canada vient de lancer une révision de son contrat F-35. Le Portugal cherche des alternatives à ses F-16 américains qui arrivent en fin de vie. Mais en Europe, on continue d’acheter américain… au détriment de nos propres industries.
Si l’Europe veut tirer parti de ses dépenses militaires, elle doit investir dans ses propres technologies. Produire ses propres avions de chasse, développer ses propres systèmes de défense, garantir sa souveraineté technologique. Sinon, on risque de se retrouver avec des armées équipées d’iPhones… mais dont les États-Unis détiennent le mot de passe. Et donc, oui, le F-35 est un excellent avion de chasse mais en mode contrôle parental américain !
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