Eddy Caekelberghs

L’ère des tricheurs

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Aidez-moi, S.V.P. Comment appelle-t-on déjà quelqu’un qui cherche à tout prix à vous convaincre de sa bonne foi ? Vous savez, quelqu’un qui vous dit une chose et en pense une autre, mais fait tout pour vous séduire. Vous voyez ? Vous non plus ? Oh zut, ça va me revenir … Je veux dire quelqu’un qui a déjà réussi à convaincre sa propre opinion publique et à se faire élire, au point d’avoir à présent toutes les cartes en main, et un contrôle de l’État et ses rouages bien plus approfondi que lors du premier galop d’essai. Toujours pas ?

Un Elon Musk ou un Donald Trump qui peut entrer avec un escadron botté, façon SA des années 1920-1930, dans les administrations et le cœur nucléaire de la gestion de l’État : la gestion du Trésor. Qui y fait main basse sur les données les plus sensibles des États-Unis : qui paie qui à qui pour quoi ! Genre : l’identité et l’activité des agents secrets américains en service, voire sous couverture, qui sont donc désormais vulnérables.

Genre aussi (surtout, pour Musk) la possibilité d’avoir accès aux secrets de la Nasa, son concurrent principal sur l’espace (merci SpaceX). Des données ultra-sensibles, classifiées, que personne n’aurait jamais imaginé voir tomber – mieux livrées ! – aux mains d’un prédateur privé, non élu, muni de pouvoirs quasi-consulaires.

En Espagne, le quotidien “El País” s’interroge sur la légitimité de ce Department of Government Efficiency d’Elon Musk : “Le fer de lance de l’attaque antidémocratique est un organisme agissant au nom du président comme une police officieuse de la Maison Blanche sans être soumis au moindre contrôle parlementaire. Il est question du département d’Elon Musk dédié à l’efficacité gouvernementale. (…) Le magnat sud-africain fait sans ménagement ingérence dans les administrations et ministères américains. (…) Face à une telle déferlante, il appartient à l’UE de rappeler au monde que sa force réside aussi bien dans sa puissance commerciale que dans la défense de l’État social et de l’État de droit”.

L’État de droit… On en rêve mais il paraît tellement loin à présent.

L’État de droit… On en rêve, mais il paraît tellement loin à présent. Certes, des juges, en référé, annulent ou suspendent les décisions et actions du tandem présidentiel. Jusqu’à des décisions sur le fond qui pourront, le cas échéant, invalider – momentanément – les violations évidentes du droit. Mais, in fine, détenant le pouvoir aux deux Chambres du Congrès et ayant six juges sur neuf à la Cour suprême qui partagent ces visions ultra-réactionnaires, quelle est la chance réelle de ne pas subir, in fine, ce vent de terreur ?

Un juge vient d’intimer à Musk et ses sbires d’effacer les données copiées illégalement dans les ordinateurs du Trésor. Et vous croyez sincèrement qu’il suffira de le demander gentiment ? À Budapest, le rédacteur en chef de 444, Péter Uj, a un sentiment de déjà-vu : “Les citoyennes et citoyens hongrois ont vu dans les informations américaines ces derniers jours de nombreux éléments connus, tels que les tentatives de conquête d’institutions juridiquement indépendantes hors de la compétence du président ou des campagnes de dénigrement. (…) L’objectif n’est même pas que la démarche semble crédible, il suffit que son propre camp y adhère. L’ennemi est de toute façon effrayé et les supporters bruyants et agressifs ainsi que la propagande lui font encore plus peur. Les personnes attaquées n’ont pas les moyens de se défendre. Il y aura probablement des procès dont ils sortiront peut-être gagnants après des années, mais d’ici là, tout est perdu.”

Et, à propos de ce mot que je ne retrouvais pas, je l’ai à présent : c’est “arnaqueur”. Bonne semaine.

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