Amid Faljaoui

Le Wifi aérien privatisé par Elon Musk ?

Je vais vous faire une confidence : j’ai toujours eu un rapport particulier avec le temps. Très tôt, j’ai compris la grande valeur de ce bien inestimable, probablement le plus précieux de la vie.

Contrairement aux biens matériels ou aux épreuves comme un divorce ou une faillite, le temps perdu ne peut jamais être récupéré. Une fois parti, il est parti pour toujours.

C’est pourquoi, lorsque le trajet Thalys entre Bruxelles et Paris est passé de 3h00 à 1h20, j’étais probablement l’un des rares à m’en plaindre. En trois heures, on pouvait abattre un travail conséquent, lire un livre sans interruption, se ressourcer ou laisser son esprit vagabonder. En somme, on pouvait « ralentir pour accélérer », comme l’écrit joliment Ryan Holiday. Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, à peine a-t-on le temps de s’installer que l’on arrive déjà en gare de Paris.

Le temps perdu dans les airs : une occasion de productivité

Les trajets aériens étaient pour moi un autre moment de productivité. J’appliquais la méthode d’Edward de Bono, un intellectuel maltais de renommée mondiale. Il profitait des vols long-courriers pour écrire un chapitre de livre, tandis que les autres passagers se contentaient de regarder des films, boire de l’alcool ou jouer à des jeux vidéo. Edward de Bono atterrissait ainsi “plus intelligent”, tandis que les autres n’avaient fait que “tuer le temps”.

Comme le disait un humoriste, certains “tuent le temps avant que celui-ci ne les tue”. Bref, ce sont des assassins du temps ! Mais aujourd’hui, même les avions, derniers refuges de calme relatif, sont menacés. L’internet haut débit s’invite désormais à bord.

L’impact d’Elon Musk sur l’industrie du transport aérien

Air France est la première grande compagnie aérienne à adopter le service de connexion satellitaire d’Elon Musk. Certes, l’internet existe déjà sur certains vols, mais il est souvent payant et de mauvaise qualité, sauf aux États-Unis, où la situation est légèrement meilleure. Mais même là-bas, seulement 15 % des passagers utilisent l’internet en vol.

Avec ses 6 000 satellites en orbite basse, Elon Musk change la donne. Il privatise littéralement l’espace et devient incontournable pour les compagnies aériennes. Après avoir racheté X (anciennement Twitter), pris la tête du marché des voitures électriques avec Tesla et surpassé la NASA avec ses vols spatiaux, Musk vise maintenant à dominer le marché du Wi-Fi aérien. Mais ce pouvoir ne s’arrête pas là.

Elon Musk : un pouvoir mondial qui dépasse l’économie

Ce même réseau de satellites, utilisé par Musk pour fournir du Wi-Fi aux compagnies aériennes, a joué un rôle clé dans la guerre en Ukraine. En septembre 2022, alors que les forces ukrainiennes se préparaient à attaquer un port en Crimée, Elon Musk a coupé l’accès aux satellites au-dessus de la zone, après avoir été averti par Poutine d’une possible riposte nucléaire. Cette décision, prise par un homme seul, a empêché une potentielle escalade du conflit.

Ainsi, derrière l’annonce anodine d’Air France adoptant le Wi-Fi de Musk, se cache une réalité bien plus inquiétante : la redécouverte du pouvoir démesuré d’un seul homme. Aujourd’hui, Elon Musk rivalise avec des institutions aussi puissantes que le Pentagone.

Comme le dit un proverbe chinois : « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. »

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